Dans son dernier opus, Mikaël Ross célèbre à sa manière le bicentenaire de la naissance du grand compositeur allemand.
Dans la vie des gens célèbres, le passage le plus excitant de leur biographie se situe généralement au début, là où tout se met en place, là où le personnage se construit. Dans le cas de Beethoven, sa jeunesse est très peu documentée. C’est pourtant ici que le « mythe Beethoven » trouve sa genèse et Mikaël Ross s’en empare pour notre plus grand bonheur. Il s’avère qu’à presque sept ans, le petit Ludwig est déjà une célébrité dans la ville de Bonn. À l’image d’un certain Viennois, son père voulait en faire un singe de foire en l’exhibant dans les salons pour y interpréter des pièces de compositeurs reconnus. Mais l’enfant prodige a déjà ses propres compositions qu’il rêve de partager. L’auteur s’emploie à imaginer ce combat entre l’injonction paternelle de se perfectionner dans l’art de l’interprétation et le bouillonnement créatif qui habite le fils. En outre, dans cette deuxième moitié du XVIIIe siècle, la vie n’est pas facile pour une famille de roturiers; le père, alcoolique autoritaire qui ne laisse aucune liberté à son rejeton, est tellement rongé par la boisson qu’il compte sur sa progéniture pour subvenir aux besoins de la famille. À force de brimades et de frustrations, Ludwig va passer de plus en plus de temps chez les von Breuning, nobles éclairés et amoureux des arts. Il partira ensuite à Vienne, espérant rencontrer Mozart. C’est finalement sur Joseph Haydn qu’il tombera. La suite de l’histoire est connue…
Le graphisme musical
Il faut une bonne dose de sensibilité pour retranscrire en bande dessinée le mélange, pas évident de prime abord, du dessin et de la musique. Depuis le très touchant Apprendre à tomber, le dessin de l’auteur allemand (passé à l’ESA Saint-Luc de Bruxelles pour se perfectionner) s’est considérablement affiné sans perdre de sa force et de sa fougue. Fils spirituel de Christophe Blain et de Frantz Duchazeau, Mikaël Ross est passé maître dans la traduction des émotions qui animent ses personnages. Et d’émotions, le jeune Ludwig en est traversé. Il y a la peur du père et la frustration qu’elle engendre. Il y a la passion amoureuse aussi: si le musicien ne s’est jamais marié, il n’en est pas moins tombé plusieurs fois amoureux. Et bien sûr, il y a l’émotion que suscite sa musique: rappelons que Beethoven ouvre la porte au romantisme -le passionné, pas le rose bonbon! Le dessin semi-réaliste de Ross permet de toutes les ressentir intensément. Même la surdité naissante et ses acouphènes sont retranscrits. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que le jeune maître souffrait d’un trac irrépressible, traduit par des coliques phénoménales. L’auteur arrive également à nous les faire partager de manière -presque- poétique.
Ludwig et Beethoven
De Mikaël Ross, éditions Dargaud, 196 pages. ****
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