À près de 80 ans, Edmond Baudoin revient avec une foisonnante autobiographie, à la recherche de celles et ceux qui l’ont construit en tant qu’homme.
En partant de la constatation qu’à l’accouchement chaque bébé ne naît pas fini, Edmond Baudoin se pose la question de savoir quand naît-on réellement et qui ou quoi nous construit. Au travers de ses souvenirs, le dessinateur varois va invoquer une multitude de personnes -amantes, amis, parents, enfants- qui ont, chacune à leur manière, contribué à l’élaboration de l’homme qu’il est devenu. Le lecteur saura gré à l’auteur de ne pas avoir pris le chemin chronologique de sa vie et acceptera bien volontiers de se perdre dans son cheminement sinueux. Car, à l’image du fonctionnement de notre cerveau, l’auteur fait surgir des souvenirs qu’il couche sur papier, abolissant toute notion de continuité si ce n’est le fil de la pensée fugace.
Sans complaisance aucune, ni avec lui-même ni avec les autres, Baudoin tente d’apaiser les frustrations et les colères et retient la joie et le bonheur. Sautant allègrement les décennies, opérant des virages à 180 degrés, il nous convie à des échanges avec son frère aîné où chacun prétend que l’autre est le meilleur dessinateur du monde. Probablement que la décision de l’aîné d’arrêter l’art en 1966 a contribué au choix qu’a fait l’auteur d’emprunter la voie artistique qui l’a mené jusqu’ici. Baudoin n’a jamais non plus caché son amour des femmes ni le polyamour dont il a fait sa philosophie de vie. Il évoque ses relations avec ses nombreuses amantes, parfois éphémères parfois plus longues, mais à chaque fois importantes. De certaines sont nés des enfants. Ceux-ci sont également invités à s’exprimer ici.
Le maître du noir et blanc
Si fil conducteur il y a, c’est bien entendu au niveau du dessin. Baudoin est l’un des rares artistes à avoir réussi à mettre en cases des dessins qui n’auraient pas dépareillé aux cimaises d’une galerie -ce qui a par ailleurs été plusieurs fois le cas. Adepte du croquis sur le vif, il a fait le choix de reproduire ici des extraits de ses carnets intimes, auxquels il mêle de sublimes arbres croqués pleine page lors de ses nombreuses promenades. On prend alors toute la mesure de sa maîtrise du dessin en noir et blanc d’une sensualité exacerbée, faisant naître du végétal des corps lascifs. Sont reproduits également des extraits de ses bandes dessinées parues depuis 40 ans qui viennent étayer son propos, des femmes de sa vie à la crise migratoire ou à l’imbécillité de quelques bien-pensants. Il apparaît que Baudoin n’a jamais cessé de parler de lui dans ses livres. Cette autobiographie serait par ailleurs une suite à Le Chemin de Saint-Jean déjà réédité et augmenté à L’Association. Les Fleurs de cimetière n’est pas un livre testament, mais une des plus belles entrées en matière dans l’oeuvre d’un homme qui n’a jamais cessé d’aimer les humbles, les femmes et le dessin.
Les Fleurs de cimetière
D’Edmond Baudoin, édition L’Association, 288 pages. ****(*)
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