Que les nostalgiques de Monsieur Jean soient rassurés: Charles Berberian n’a jamais vraiment perdu de vue le héros du quotidien qu’il avait créé avec son ancien complice Philippe Dupuy.
Il le transpose ici dans la Mésopotamie antique sous les traits de Gilgamesh. Un Gilgamesh ventripotent qui se plaint de la chaleur, qui parle trop et n’agit plus assez. Cela le fait perdre en aura, pense-t-il, « mais gagner en poignées d’amour », lui fait remarquer avec gourmandise la plantureuse Shamhat, sa maîtresse préférée. Afin d’égayer l’ambiance morose du palais, Gilgamesh envoie Shamhat lui chercher dans les montagnes le majestueux léopard blanc qui « ferait très bien » assis à ses côtés dans la salle du trône. Celle-ci revient avec Enkidu, homme primitif et sauvage, mais tellement beau. Les deux mâles, après s’être regardés de travers, deviendront les meilleurs amis du monde et s’ensuivra la fameuse épopée. Elle nous est racontée par Ebih-il, scribe et intendant du palais qui a, par ailleurs, fort à faire avec des délégations du royaume voisin pour trouver des excuses bidons au refus qu’oppose Gilgamesh de les rencontrer.
Charles Berberian donne sa version de la fameuse épopée du roi d’Uruk, et elle est très drôle. Elle est également très sensuelle: le trait baveux du pinceau mêlé à la délicatesse de la plume dessinent parfaitement les courbes des corps dans leurs joutes amoureuses. Les aplats d’aquarelle bleus et bruns parachèvent les ambiances lourdes et mystérieuses. Charles Berberian, né en Irak, renoue de manière magistrale avec le pays qui l’a vu naître et nous sert une des histoires les plus réussies de la série s’inscrivant dans la collaboration entre le musée du Louvre et les éditions Futuropolis.
Épopée sensuelle de Charles Berberian, éditions Futuropolis/Le Louvre, 104 pages. ****
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