Christian Perrissin et Matthieu Blanchin nous replongent, au travers du voyage du Commodore Anson, dans les riches heures du récit épique du XVIIIe.
À suivre les performances en direct des skippers du Vendée Globe derrière nos écrans, on en oublie ce que représentait un tour du monde en bateau au XVIIIe siècle, soit 200 ans après le premier voyage de Magellan. À cette époque, la puissance d’un pays se mesurait à sa flotte maritime et à l’hégémonie qu’elle exerçait sur les mers. En 1740, la paix signée quelques années plus tôt entre l’Espagne, la France, l’Angleterre et leur alliés, est près de voler en éclats. La péninsule ibérique, affaiblie et appauvrie, ne cherche plus qu’à conserver son empire colonial. L’Angleterre est en train de s’imposer sur les mers grâce à la puissante Royal Navy. Mais elle ne supporte plus les contraintes imposées par la couronne espagnole. L’Angleterre va donc lui déclarer la guerre en attaquant ses comptoirs sud- américains et tenter de s’emparer du fameux « Galion de l’or » de Manille. C’est de cette expédition dont il est question dans Le Voyage du commodore Anson. Les deux auteurs ont adapté le journal de bord de l’officier Philip Saumarez, retranscrit et édité en 1748 par Richard Walter, chapelain de l’expédition emmenée par le capitaine du HMS Centurion, lord George Anson. C’est peu dire que la vie à bord pour les deux mille marins -officiers compris- est un enfer. Seule l’inconscience de ce qui les attend et la promesse de gloire et de richesse -si l’expédition réussit- peut pousser des hommes à s’engager dans pareille aventure. Promiscuité, scorbut, fièvres attendent cette société miniature qui voit son effectif se réduire en moyenne de plus d’un homme par jour sur les quatre ans que durera le voyage. Le sort des navires, véritables coques de noix, n’est pas plus enviable: régulièrement, l’expédition doit s’arrêter pour faire des réparations, quand il ne faut pas carrément abandonner un bateau.
Le roi de la plume
Le mètre-étalon de la bande dessinée maritime historique reste sans conteste Les Passagers du vent. Le présent récit en est l’opposé, mais pas moins excellent. À l’hyper réalisme de Bourgeon répond les mouvements de pinceau et de plume de Blanchin, traduisant le déchaînement furieux des éléments. Le trait nerveux et rugueux du dessinateur est parfaitement adapté pour décrire la crudité des situations et la rudesse des hommes de bord. On lui pardonne naturellement ses erreurs de proportions au profit de la dynamique du récit: on suffoque dans les cales mal aérées, sous le soleil d’une plage de la côte Pacifique et on grelotte dans l’hiver austral au passage du cap Horn. L’adaptation du journal qu’en fait Christian Perrissin est à l’image de son complice: dynamique et riche en rebondissements tout en conservant la trame et la maquette de l’édition originale de 1748. Si l’issue nous est connue (le journal nous est parvenu), le scénariste nous tient en haleine de bout en bout et on ne peut plus lâcher le récit tant on voudrait savoir comment se termine cette épique expédition.
Le Voyage du commodore Anson
De Christian Perrissin et Matthieu Blanchin, éditions Futuropolis, 272 pages. ****(*)
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