Guillaume Decourt, La Table Ronde
Un temps de fête
96 pages
Être heureux demande de la discipline. Sept lignes, il n’en faut pas davantage à Guillaume Decourt pour déployer une poésie funambule où il fait bon méditer, aiguiser un regard pointu sur l’impermanence des choses, déflorer un quotidien exotique.
Sous des cocotiers taquinant le ciel bleu, l’humour hirsute s’en paie une bonne tranche. « Un homme qui refuse des touloumpakia, ce n’est pas un homme d’envergure. C’est un homme qui a peur d’être contraint de porter des bretelles avec sa ceinture. » Comme surgis du livre du samouraï (le Hagakure), gorgés de suc tels un Chevillard grand cru, les préceptes se distillent de l’alambic. Frisant une moustache digne du cartel de Medelin, on sirote un smoothie Spinoza, Nietzsche, Wittgenstein. « Ma chemise hawaïenne et moi, nous ne faisons pas de politique. » Dépliant ses surprenants origamis, surgit une vivacité d’esprit cousine d’Alexandre Vialatte, voire un pouvoir d’évocation pointu qui n’a rien à envier aux micro-fictions de Régis Jauffret. « Médire des gens favorise le flux sanguin et préserve le système cardiovasculaire. Il ne faut en aucun cas s’installer à la campagne. Cela se révèle délétère. On ne peut y critique les arbres. On y perdra ses forces (…) » Entre spontanéité et sophistication, brillant par l’élégance de son humour décoiffant, l’art poétique de Guillaume Decourt (Lundi propre) procure une rare jubilation. Tu voudrais glisser une liasse de sourires pour marque-pages, mais tu as déjà fini le paquet de chips à l’ancienne, comme les Variations Goldberg. Tu y reviendras vite, pour prévenir le danger de la dispersion, réapprendre la lenteur et la solitude. Une réussite éclatante. « Nous en redemandons encore. »
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