Foire du livre: la sélection polars de Focus
La Foire du livre de Bruxelles met le polar sur le devant de la scène. La sélection noire de Focus en 6 polars.
Nécrologie
DE PAUL CLEAVE. ÉDITIONS SONATINE, TRADUIT DE L’ANGLAIS (NOUVELLE-ZÉLANDE), 420 PAGES. ***
Six ans déjà, et presque pile-poil 100 livres, que l’éditeur Sonatine a fait son trou sur les étals de thrillers. Et plus qu’un trou, une vraie signature, avec des visuels punchy et des titres rock’n’roll, sanglants et tarantinesques, l’éditeur flairant souvent le bon coup et les bonnes traductions -de « vrais » récits de meurtriers, des auteurs anonymes… En reste-t-il pour autant de grands romans, ou mieux, de grands auteurs de thrillers? Paul Cleave, le Néo-Zélandais, en est en tout cas à son 3e essai chez Sonatine, après Un employé modèle très remarqué et Un père idéal moins convaincant. L’auteur nous renvoie, avec Nécrologie, dans la très baba-cool ville de Christchurch, où sévit malgré la chouette ambiance un boucher du même nom qui empile les cadavres et les atrocités. Paul Cleave frise à nouveau le sadisme et écrit toujours 200 pages de trop, mais le bougre est doué malgré son goût trop prononcé pour les serial killers et les vraies fausses surprises. (OVV)
La comptine des coupables
DE CARIN GERHARDSEN, TRADUIT DU SUÉDOIS PAR CHARLOTTE DRAKE ET PATRICK VANDAR, ÉDITIONS FLEUVE NOIR, 320 PAGES. ****
Elle était mignonne la petit fille qui suçait son pouce… Pourtant, pas un instant, l’assassin n’a hésité à lui trancher la gorge avec son couteau de chasse. Le petit frère qui dormait n’a pas été épargné non plus. Tout comme leur mère qui ne se réveillera plus jamais. Comment cette femme de ménage philippine, au salaire de misère, pouvait habiter dans cette maison bourgeoise avec ses enfants? Et pourquoi le père suédois, lui, vivait retiré du monde? Le commissaire Conny Sjöberg va tenter de mener son enquête avec son équipe, engluée dans des problèmes privés. Sjöberg lui-même trimballe quelques casseroles de culpabilité qui lui pourrissent l’existence, « comme un boulet accroché au pied, qu’on traîne partout avec soi ». Un thriller efficace qui nous jette direct dans le glauque, sur une petite musique de nuit aux airs de « Promenons-nous dans les bois… » (NM)
Contre toute attente
DE LINWOOD BARCLAY, TRADUIT DE L’ANGLAIS (CANADA) PAR ANNE-SYLVIE HOMASSEL, ÉDITIONS BELFOND NOIR, 440 PAGES. ****
Malgré des problèmes avec son entreprise en bâtiments, Glen Garber vivait tranquille avec sa famille dans une petite ville paisible du Connecticut. Jusqu’à ce coup de fil qui allait tout détruire, un soir où il était seul avec sa fille Kelly… On lui annonce que sa femme a eu un accident de voiture qui lui a été fatal, entraînant la mort de deux autres personnes. Le hic: il paraît qu’elle était ivre. Chose impossible pour Glen, son épouse ne buvait jamais. Depuis lors, Glen Garber reçoit des coups de fils anonymes. Autre fait étrange, un drame s’abat sur une famille du quartier, faisant prendre conscience à Glen que l’accident de sa femme n’était pas le fait du hasard. Sa fille est aussi en danger… Une machination menée tambour battant, sans temps mort, avec une plume efficace. Pour amateurs de frissons puisés dans les rouages de l’âme humaine. (NM)
L’énigme de Flatey
DE VIKTOR ARNAR INGOLFSSON, TRADUIT DE L’ISLANDAIS, ÉDITIONS SEUIL POLICIERS, 360 PAGES. ***
L’Islande, un petit pays glacial? Attendez de mettre le pied sur l’île de Flatey, au sud de l’île principale, en 1960: ils sont 40 à peine à vivre en quasi autarcie sur une succession triste et venteuse de rochers qui conviennent avant tout aux macareux et aux phoques. Et où il ne se passe rien. Difficile donc de comprendre qui est cet inconnu retrouvé à l’état de squelette dans un des îlots de cette antichambre de l’enfer blanc: même les pistes laissées par le narrateur sont aussi mystérieuses que son titre. Entre quelques dialogues distants comme les lieux, il distille des extraits du « livre de Flatey », compilation unique des dits et des sagas des Rois de Norvège au Moyen-Âge… Derrière chaque vendeur de peau de phoque se cacherait un ancien chef viking? L’intrigue, en tout cas, est prenante. Et l’ambiance, entre déprime et contemplation, vient confirmer la forme de l’Islande, valeur désormais sûre de ce polar nordique que le francophone s’arrache. (OVV)
Emergency 911
DE RYAN DAVID JAHN, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ETATS-UNIS), ÉDITIONS ACTES SUD (ACTES NOIRS), 330 PAGES. ***
Après avoir relaté l’affaire Kitty Genovese, assassinée en 64 dans la morne indifférence des témoins du crime, Ryan David Jahn a choisi cette fois le thème de la séquestration d’une fillette de sept ans, dans l’obscurité d’une cave insalubre. Ian a perdu toute trace de sa fille depuis huit ans. Maggie était son soleil mais celui-ci s’est éteint et la mère de l’enfant vient de programmer ses funérailles. Il faut faire son deuil, la vie continue, même si le cercueil que l’on suit est vide. Ian, par contre, ne peut effacer la douleur d’autant qu’il vient de recevoir un appel intrigant, alors qu’il assurait la permanence téléphonique de la police. Il croit reconnaitre la voix angoissée de sa fille visiblement en danger. Commence alors une course-poursuite à travers les Etats-Unis entre un père aux abois et un kidnappeur cruel et sans scrupules. Ian est prêt à tout pour récupérer son bien le plus précieux, la petite Maggie âgée de quatorze ans aujourd’hui. Thriller bien ficelé, aux rebondissements spectaculaires, peut-être un peu trop nombreux, où l’on souffre avec Ian, on espère avec lui et on craint pour Maggie. (MDR)
L’expatriée
DE ELSA MARPEAU, ÉDITIONS GALLIMARD, 258 PAGES. ****
Le polar français n’a décidément plus beaucoup de poils aux pattes: l’un de ses meilleurs auteurs, au rayon noir, a plutôt les traits d’une belle bourgeoise bien née, du genre à vivre pendant quelques années en maillot et entre expats, à Singapour, entre la piscine et la servante des Philippines. Ce fut précisément le cas d’Elsa Marpeau, qui en a fait le décor de son nouveau polar poisseux, L’expatriée. Surprenant, elle qui nous avait laissé sous les pavés des nouveaux anarchistes, dans Black Blocs! Mais ses relents autobiographiques n’enlèvent rien, au contraire, à son écriture courte, anxiogène et coupée au couteau. Miss Marpeau avait des comptes à régler? Elle en tire un grand roman noir qui n’épargne personne et certainement pas Elsa, son héroïne. On en reparle bientôt, et avec elle. (OVV)
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