David Snug pète une case et se lâche sur l’industrie musicale
Guillaume Cardin fait le buzz sur les réseaux sociaux avec les avis tranchés de son alter ego de papier, David Snug, sur l’industrie musicale. Who’s Who.
En sortant sa première bande dessinée en 2008, il aurait pu signer Guillaume Cardin. Le dessinateur lui préfère pourtant dans un premier temps « Snug » -en référence à l’obscur groupe de dancecore Dr. Snuggle et MC Jacqueline, dont il faisait partie. Mais Snug tout seul, « ça faisait trop BD belge, genre Roba ou Peyo« . Comme il n’est pas belge mais français, qu’il vient de découvrir que « snug » signifie « douillet » en anglais et qu’un judoka devenu homme politique lui semble un bel exemple de réussite, il devient David Snug sur papier. C’est bien, ça fait américain. Comme « Robert Crumb » ou « Joe Matt ». Ça lui ouvre une double vie comme les héros, mais plus zéro que super, à l’image du personnage en collant rouge de Philippe Valette, Georges Clooney -pas l’acteur, le personnage de BD- vulgaire de pied en cape. Sauf que le costume de David Snug, c’est un éternel bonnet vissé sur le crâne, des bras ballants et une mine renfrognée. Et ça lui va très bien.
À travers Snug, Guillaume Cardin tire sur la musique, le cinéma, la vie parisienne et la politique à coups de planches autobiographiques petit calibre, souvent en noir et blanc. Un style brut et drôle comme une bagarre à la récré, qu’on pourrait croire nourri par des années de Gotlib et F’Murr, si l’auteur n’avouait préférer faire de la BD plutôt qu’en lire. Dans ses histoires courtes, chacun en prend pour son grade, à commencer par tous ceux qu’on est susceptible de croiser dans l’industrie musicale. « Les festivals estivaux sont les nouvelles cathédrales, les SMAC (pour « scènes de musiques actuelles » en France, NLDR) sont les églises et Faith No More les curés de la religion des « musiques actuelles » qui aident les adolescents à mieux vivre leur crise d’ado« , dixit Guillaume Cardin, qui a sorti en 2016 La vie est trop Kurt -comme Cobain. Sur les rives de l’indépendance, il dézingue aussi « les milieux D.I.Y. où il y a beaucoup de curés moralistes qui t’expliquent que tu dois jouer là et pas là, que tu dois publier des BD là, mais pas là. Et si tu creuses, tu te rends compte qu’ils écoutent Slayer et Iron Maiden et qu’ils regardent Les bronzés font du ski le dimanche soir après avoir passé un week-end à prendre du speed. Bizarrement, le dimanche soir, ils ne regardent pas de films expérimentaux autofinancés. » Cynisme (trop) exacerbé? C’est oublier que l’auteur gravit l’échelle des degrés de l’humour plus vite qu’un Jack monté sur haricot magique. Où s’arrête Guillaume Cardin et où commence David Snug? La réponse est floue. Dans son univers illustré, la frontière entre fiction moqueuse et réalité morveuse est si ténue qu’elle déteint même joyeusement sur le dessinateur, également musicien dans le groupe de « variété undeground » Trotski Nautique.
Lester Bangs a mal à son Bescherelle
Près de dix années et sept albums après son premier Je suis très déçue par ton attitude, l’auteur sort cette semaine Je n’ai pas de projet professionnel chez Même pas mal. Il y relate, toujours avec la même fraîcheur piquante d’un premier de l’an, les réflexions de David Snug, ancien « jeune con » punk devenu logiquement « vieux con » aigri. La recette fonctionne et la mayonnaise commence désormais à prendre également sur les réseaux sociaux, où ses planches se partagent aussi vite qu’un tweet fielleux de Donald Trump. La critique mauvaise a la cote et David Snug ne cache pas son plaisir. Les pouces bleus et les commentaires criant au génie sont encore plus nombreux depuis que le personnage s’est découvert une vocation pour le journalisme musical. Il faut dire que son créateur est déjà un habitué des collaborations avec le milieu, comme le magazine New Noise ou Confliktarts, dont il a illustré le Guide de survie du groupe indépendant dans la jungle musicale. Dans ses « croniques dedisks », Cardin réalise des critiques dessinées délicieusement prolixes et illettrées de disques mythiques. On y assiste au passage à la moulinette de Heroes, Nevermind et Unknown Pleasures par un David Snug expert en rien et drôle en tout. Et comme à L’École des fans, tout le monde récolte toujours 9 sur 10. Ses avis allumés auront bientôt une vie sur papier, puisqu’ils seront compilés en juin 2017 dans un album d’ores et déjà baptisé Les grands classiques de la pop musique, 50 chroniques pour connaître les disques les plus célèbres sans avoir à les écouter.
Mais quand l’artiste explique que « les likes, c’est nourrissant« , c’est à prendre au premier degré, pour une fois: « Ça m’apporte de la notoriété. Quand on sort un livre chez un éditeur indé, si on n’a pas un attaché de presse pour faire de la com’ autour de son boulot, personne n’en entendra jamais parler. Facebook, c’est mon attaché de presse numérique. Et puis, quand on n’écoute que des MP3 qu’on télécharge illégalement, la moindre des choses, c’est de mettre tout ce qu’on fait en accès libre. » Tout comme ses sentences musicales, la logique de Guillaume « Snug » Cardin est implacable.
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