Critique | Livres

Dans son nouveau polar frénétique, James Ellroy taille un costard à Marilyn

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James Ellroy mord encore. © Marion Ettlinger

James Ellroy, Rivages/Noir

Les Enchanteurs

672 pages

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Philippe Manche Journaliste

Autour du décès de Marilyn Monroe, James Ellroy signe une fresque frénétique et mélancolique dans la moiteur de l’été 1962 au cœur de la Ville corrompue.

Si tant est que vous ayez perdu de vue l’auteur de L.A. Confidential ou de American Tabloïd et que vous vous demandez si l’inégalable James Ellroy mord encore, ce dix-septième roman -sans compter ses mémoires, nouvelles et essais- est pour vous. Et si vous êtes un fidèle de l’Américain, que Perfidia -premier tome de son quintette de Los Angeles dont Les Enchanteurs est le troisième volet- vous a réconcilié avec l’animal, cette nouvelle livraison est également pour vous. Tout simplement parce qu’on retrouve dans cette suite toute relative de La tempête qui vient, le styliste hors pair qu’est Ellroy à travers ses marottes habituelles (en gros, l’Histoire, le crime, la corruption,…) et son écriture brûlante, bouillonnante et enragée à travers une architecture romanesque complexe et fictionnelle articulée autour d’un fait précis, le décès de Marilyn Monroe le 4 août 1962 à Los Angeles, autour duquel gravite des personnages ayant existés.

Comédie ultra-noire et dix actes

La grande star du roman, n’en déplaise aux fans de la comédienne que l’écrivain dézingue à la sulfateuse avec une jubilation totalement assumée, c’est cette saloperie de Freddy Otash qui incarnerait presqu’à lui seul tous les vices de Los Angeles et dont l’enterrement, le 9 octobre 1992, ouvre Les Enchanteurs. Ce quasi double fictionnel de James Ellroy, rencontré dans la trilogie Underworld USA ou dans Panique générale, a ou aurait servi d’inspiration au personnage de Jack Gittes -Jack Nicholson dans Chinatown de Polanski- et est pris entre plusieurs feux dont celui des Frères Kennedy, paniqués à l’idée de « dossiers » qui traîneraient dans les placards depuis la mort de la star. S’ajoute la disparition d’une actrice de série B probablement kidnappée, un prédateur sexuel surnommé le Satyre qui sévit auprès des femmes seules, un Los Angeles Police Department qui court comme une poule sans tête et autres « fantaisies » Ellroyiennes genre scandale sexuel et chantages à la je te tiens, tu me tiens par la barbichette.

Le plus troublant lorsqu’on est confronté à un bouquin d’une telle densité, à une prose hypnotique et à un récit labyrinthique, c’est d’accepter d’être patient avant que toutes les pièces du puzzle s’emboîtent et de profiter du moment présent et de la fulgurance de l’écriture. Dans le cas présent, Les Enchanteurs, comédie ultra-noire en dix actes, baissera le rideau lors de son ultime round intitulé Jeux de baise.

Il n’est pas interdit de penser aussi que James Ellroy, qui souhaitait écrire un roman populaire des années soixante, rende aussi et en loucedé un hommage à l’un des pères du hard-boiled, Dashiell Hammett. Entre Butte, dans le Montana, de La moisson rouge et Los Angeles des Enchanteurs, la pourriture est la même. Ce qui renvoie aussi –histoire d’amour perdue d’avance inclue- aux premiers ouvrages de James Ellroy que sont Brown’s Requiem et Clandestin, le souffle mélancolique en plus

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