Kamel Daoud remporte le Prix Goncourt avec « Houris », une oeuvre qui décrit la place de la femme en Algérie
Kamel Daoud a été sacré lauréat du Prix Goncourt, lundi, pour son roman « Houris ». Un livre éminemment politique.
Aube, 26 ans, possède un salon de coiffure dans la banlieue de Hai El Yasmine, à Oran. Depuis son fief, elle brave la mosquée d’en face où grondent les sermons de l’imam au sujet de ce « lieu de débauche ». Muette, c’est de sa voix intérieure qu’Aube décrie la place de la femme en Algérie: « un couloir d’épines » où vivre en esclave, « à peine plus importante que l’un de ces moutons » sacrifiés pour l’Aïd. S’adressant à la petite fille qu’elle porte en secret, sa houri (femme promise aux musulmans qui accéderont au paradis), Aube raconte comment, égorgée à 5 ans le 31 décembre 1999, elle survit grâce à une canule dans la gorge.
Découverte dans un berceau le jour de l’indépendance, elle fut recueillie par Khadija, grande voix du barreau qui s’envole pour Bruxelles dans l’espoir de convaincre un ORL de lui faire recouvrer la voix. Aube prend quant à elle la route de son village natal dans les montagnes du nord. Chemin faisant, un passage de témoin s’opère. Libraire à la mémoire phénoménale, son chauffeur Aïssa s’avère capable de restituer les lieux et les identités des personnes tombées sous les coups des islamistes. Et de poursuivre le récit d’une guerre civile enterrée, aux 200 000 morts effacés. Voilà pourquoi Aube s’apprête à commettre l’irréparable: « Te garder? Es-tu folle? (…) C’est le dernier jour. On va se séparer ce soir. » Kamel Daoud, l’auteur de Meursault, contre-enquête (réécriture de L’Étranger de Camus, Goncourt du Premier roman en 2015) y exhorte avec force un nécessaire travail de mémoire. Sur le style, le choix d’un soliloque éminemment lyrique, voire emphatique, confère aux 400 pages de son odyssée un caractère lancinant.
Houris ***(*), de Kamel Daoud, éditions Gallimard, 416 pages.
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