Un roman inédit et un livre d’entretien célèbrent Marc’O, pionnier de la Nouvelle Vague

Marc’O, figure incontournable de la Nouvelle Vague.

Marc-Gilbert Guillaumin, alias Marc’O, a grandement influencé la Nouvelle Vague, tant au cinéma qu’au théâtre. Décédé le 11 juin dernier à 98 ans, les éditions Alia publient son roman de jeunesse inédit, Délire de fuite, et un livre d’entretiens, L’Art d’en sortir. Incontournables.

L’Art d’en sortir

De Gérard Berréby et Marc’O. Editions Allia, 240 p.

La cote de Focus: 4/5

Délire de fuite

De Marc’O. Editions Allia, 192 p.

La cote de Focus: 4/5

Il fallait bien un pseudonyme bourré de style pour désigner un artiste qui aura côtoyé –de près– presque toutes les incarnations de l’avant-garde française du XXe siècle. Marc-Gilbert Guillaumin choisira Marc’O. Les éditions Allia ont eu la brillante idée de consacrer à ce créateur singulier et influent un livre d’entretiens (menés par Gérard Berréby, leur directeur et fondateur), L’Art d’en sortir, conjointement à un roman de jeunesse inédit, Délire de fuite.  

Né en 1927, Guillaumin entre dans la résistance à seulement 14 ans. Plus classiquement, il montera à Paris pour fuir le climat familial pesant. Dans Délire de fuite, on découvre in situ certains des événements remémorés dans L’Art d’en sortir. Sur un ton tour à tour désespéré puis enjoué, on assiste à ses premiers pas dans la capitale, à la recherche d’un travail, et de jeunes filles à aimer pour une nuit. On y devine aussi les identités de certains personnages dont l’histoire retiendra bien plus les noms: les lettristes Isidore Isou et Gil J. Wolman, les situationnistes avec, en tête, Guy Debord, et même André Breton et les surréalistes.

C’est ce qui marque à la lecture de L’Art d’en sortir: l’irrésistible attraction de Marc’O pour la marge –«la périphérie», comme il dit. Jamais au centre, donc, mais pas moins respecté. Proche de Jacques Rivette ou Jean Eustache, il fut une influence revendiquée de la Nouvelle Vague, notamment avec sa pièce culte Les Idoles, qu’il adaptera lui-même au cinéma. On lui doit aussi une approche particulière de la figure de l’acteur, qu’il voit lui aussi comme un créateur. Son mot d’ordre: «En revenir au corps.» Plus tard exilé en Italie, il poursuivra ses activités théâtrales et cinématographiques, avant de se muer en chercheur théoricien de l’image.

Entrecoupé de photos rares, d’articles et d’entretiens, tout aussi passionnants, avec ceux qui l’ont connu, comme Bulle Ogier (dont il a lancé la carrière d’actrice) ou Jean-Pierre Kalfon, L’Art d’en sortir, témoignage artistique et social de différentes époques, est une véritable ode à la création.

On parle d’art d’en sortir mais… sortir de quoi? Des sentiers battus et rebattus, des «normes que vous aimiez», pardi! Marc’O, qui s’est éteint à 98 ans, moins d’un mois après la sortie de ces deux livres, en était la preuve: on est bien, dans les marges.

A lire aussi cette semaine

Dernière lutte avant l’aube
De Patrice Franceschi. Grasset, 144 p.
La cote de Focus: 2/5

Porté sur aucune carte, Dratoun serait le «pays où l’on n’arrive jamais». Une destination chimérique vers laquelle Jean et Sarah s’engagent en compagnie de Mathilde, vieille dame énigmatique à la recherche de «la mer de toutes les mers». Dans leur odyssée, le trio croise la route du capitaine Ha Ha et sa bande de pirates invraisemblables… Au travers des méandres d’un jeu de piste métaphysique, ce conte fantomatique entend dessiller ses lecteurs sur la précarité des entreprises humaines. A grand renfort d’aphorismes sur «le manège enchanté de la vie», Patrice Franceschi aspire à transmuter la fable en or. Mais l’engourdissement gagne et on traîne des pieds de plomb. Aux moussaillons avides de légendes sur le piège du temps qui passe, on conseillera l’absurde kafkaïen esquissé dans Le Pays des herbes debout de Jean Villemin (La Dilettante). La légende du Dratoun disait vrai: le livre refermé, on n’est toujours pas rendu.

F.De

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