Le Festival de Cannes vu par l’auteur Santiago Amigorena: du temps perdu?

Santiago H. Amigorena livre un autre regard sur le Festival de Cannes. © AFP via Getty Images

Avec l’avant-dernier tome de son entreprise romanesque autobiographique, Santiago H. Amigorena invite à une promenade cinématographique du côté de Cannes.

Le Festival de Cannes ou Le Temps perdu

Autobiographie romanesque de Santiago H. Amigorena.

Editions P.O.L, 352 pages.

La cote de Focus: 4/5

«Quel est le temps que j’ai le plus gagné, quel est celui que j’ai le plus perdu? Ce temps passé à le perdre ou celui passé à la recherche du temps perdu?» Après avoir exploré l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte ou encore la maturité dans les tomes précédents de son autobiographie en chantier, l’auteur franco-argentin se détache de la ligne du temps pour faire le récit transversal d’une parenthèse de frivolité. Séduisante idée que celle de réserver sa participation modeste mais annuelle à la foire aux vanités à un espace-temps cadenassé et restreint, qui plus est déterritorialisé dans le Sud de la France, pour une décade de strass, d’écrans noirs et d’amours printanières: le Festival de Cannes.

Pour le romancier, également scénariste, le cinéma est un détour, «joyeux et alimentaire», comme une école buissonnière de la littérature. Et tous les ans, en mai, il descend sur la Croisette, d’abord «dans l’espoir absurde de reconquérir la comédienne qui avait été [son] premier amour», ensuite dans le but «d’oublier, [s’]oublier, tout oublier».

En passant, Santiago H. Amigorena livre quelques réflexions bien senties sur ce milieu du cinéma où les paillettes aveuglent quand l’insuccès domine, où l’on prétend si souvent, «ce 7e machin dont la mère est l’Art et le père l’Industrie, et dont les oncles et tantes se nomment Musique, Littérature, Peinture, mais aussi Banque, Luxe, Misère, Optique, Métallurgie, Exploitation et Misogynie.» On navigue dans ses coulisses, on y croise quelques têtes connues, appelées par leur prénom, mais le name dropping un peu fastidieux des débuts prend chair pour composer une galerie de personnages récurrents, aux premières loges de la vie faite spectacle de l’auteur-narrateur. Parmi ces noms, les amis, les amours aussi. Car pour le romancier, le cinéma s’incarne d’abord dans les corps aimés des actrices qui tour à tour lui offrent leur amour, «qui était la vie et la mort», et qui pourtant un jour appartient au passé. Toutes ces histoires comme autant de détours nécessaires pour trouver le dernier amour, et se trouver soi-même.

Le modèle revendiqué avec joie et une étonnante simplicité, c’est la Recherche, qu’Amigorena entend faire résonner 100 ans après sa publication, voguant sur l’onde littéraire provoquée par l’œuvre de Proust. Le Festival de Cannes est comme tissé du texte fondateur, en déclinant certaines des thématiques, en louant le style, en citant des passages, en osant même le pastiche par endroits. On y croise les convenances de la vie mondaine, mais aussi sa mélancolie. On y réfléchit l’art délicat de la fête, cette sensation insaisissable alors que le fait «qu’une fête devienne une fête est finalement si rare».

Finalement, cette histoire de temps perdu n’est pas tant celle répétée d’une perte que d’une quête, car «seul le temps perdu permet d’un jour commencer à le chercher, seul le temps perdu permet d’espérer un jour un temps retrouvé».

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