Avec Ocean State, Stewart O’Nan nous plonge dans l’Amérique des laissés-pour-compte
Stewart O'Nan, L'Olivier
Ocean State
296 pages
« Quand j’étais en quatrième, ma sœur a été impliquée dans l’assassinat d’une jeune fille. » Dès la première phrase d’Ocean State, Stewart O’Nan tue tout suspense.
Plus que le fait divers proprement dit, c’est la genèse du drame qui l’intéresse. Une nouvelle occasion pour ce fin observateur de soulever le capot d’une Amérique marginalisée qui semble condamnée à conjurer la vacuité et les déboires par le malheur. Ashaway, petite ville wasp du Rhode Island, porte les stigmates d’un passé industriel glorieux. C’est dans ce décor défiguré que vivent Carol, mère célibataire jonglant entre une vie sentimentale chahutée et un boulot harassant d’infirmière dans une maison de retraite, et ses deux filles, Angel et Marie. La première, gâtée par la nature, ne se fait pas trop d’illusions sur le futur mais n’entend pas partager pour autant les petits plaisirs du moment présent. Et en particulier son petit ami, Myles, beau gosse bien-né. Aussi, quand elle découvre qu’il s’envoie en l’air avec une fille quelconque du lycée, Birdy, elle ne compte pas rester les bras croisés…
Au cœur des non-dits
À tour de rôle, toutes ces femmes, victime comprise, partagent leurs états d’âme, leurs frustrations, leurs maigres rêves et une routine rythmée par les tourments de l’adolescence, la galère financière, les matchs de baseball à la télé et les pizzas au micro-ondes. La bonne idée, c’est d’avoir confié au regard faussement innocent de Marie, la petite sœur boulotte trop souvent livrée à elle-même, d’exprimer avec humour les défaillances et les non-dits des acteurs de cette tragédie moderne. « Nous voulions que les mauvaises choses arrivent vite, que les moments douloureux soient derrière nous afin de pouvoir reprendre le cours de nos vies banales et ennuyeuses », note-t-elle. Sauf que parfois un petit grain de sable déclenche des tempêtes. Sans atteindre la fureur qui électrisait Speed Queen, ni la profondeur abyssale d’une Joyce Carol Oates à laquelle on pense forcément, Stewart O’Nan n’en dresse pas moins un portrait juste et mélancolique d’une jeunesse paumée dans les grandes largeurs.
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