Critique | Livres

Après Stephen Markley, le Déluge! Des notes d’espoir dans une forme d’apocalypse

4,5 / 5
Stephen Markley évoque une apocalypse climatique dans Le Déluge. © Michael Amico

Stephen Markley, Albin Michel

Le Déluge

1056 pages

4,5 / 5
Philippe Manche Journaliste

Roman choral vertigineux, affolant et réaliste autour de l’effondrement et du dérèglement climatique, Le Déluge de Stephen Markley ne raconte rien de moins que le monde d’aujourd’hui et celui de demain.

Entre le prophétique Un ciel si bleu de T.C. Boyle, une côte ouest en flammes et une Floride sous eaux, ou le remarquable Cabane d’Abel Quentin, qui prend comme point de départ le rapport Meadows de 1972, le dérèglement climatique ne s’est jamais autant invité dans la fiction que ces dix derniers mois. C’est peu d’écrire que la fresque de l’Américain Stephen Markley, auteur du mémorable Ohio (2020), met tout le monde d’accord. Dix ans d’écriture, une tentative de remise à son éditeur d’une version de plus de 2 000 pages -in fine, Le Déluge en fait un peu plus de la moitié-, un travail de documentation rigoureux et hallucinant avec des argumentations et des prévisions scientifiques pour une lecture, certes effrayante, qui doit autant au roman social qu’au roman noir parce que ce que brosse et décrit l’auteur nous met face à ce que nous vivons déjà. N’en déplaise aux climatosceptiques et aux complotistes, les récentes catastrophes naturelles comme celle qui vient de ravager Valence et sa région sont les conséquences du réchauffement climatique. Point à la ligne.

Le Déluge démarre en 2013 et se termine en 2039. À chaque chapitre, son année. En 2013, donc, le chercheur Tony Pietrus reçoit des menaces de mort suite à un ouvrage qui prévient que notre planète meurtrie par le capitalisme et l’ultralibéralisme va péter les plombs à grand renfort de mégafeux, de typhons, d’ouragans et tsunamis d’une violence inouïe. Vous connaissez la chanson puisque nous sommes en 2024. Il n’y a pas que les habitants de la Floride, construite sur des marais tout comme ceux de La Nouvelle-Orléans, située en dessous du niveau de la mer, qui ont de quoi se faire du mouron… S’ajoute une Amérique plus polarisée que jamais avec à sa tête un 47e président imprévisible.

Un sale quart d’heure

Pour le coup, on peut aisément deviner que ce prodigieux roman s’apprête à nous faire passer un sale quart d’heure. Le coup de maître de Stephen Markley, outre une toile de fond plausible et vraisemblable, est d’avoir imaginé des personnages tout aussi crédibles et forcément attachants. À l’image de Kate, pasionaria écolo, icône d’une génération et incarnation de la femme libre avec un L majuscule. Ou Ashir qui, comme les chercheurs du rapport Meadows évoqué plus haut, est un as des prédictions aussi alarmistes soient-elles. On y croise aussi sur ce quart de siècle, Keeper, toxicomane qui vendrait père et mère pour sa dose. Ou cette organisation écoterroriste dans la lignée du collectif de gauche radicale The Weather Underground des années septante dont les membres se laissent des messages via Le Fléau de Stephen King. Sans oublier ce pasteur, ex-belle gueule hollywoodienne et chantre de l’ultra-droite, qui ferait passer le duo Trump/Vance pour des modérés. Dans cet apocalypse, heureusement mais à quel prix, des notes d’espoir et des solutions se dessinent et sont à portée de main. Fort heureusement!.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content