Glass Museum: les trois font la paire
Pourles prochains concerts présentant leur nouvel album Reflet, les deux Glass Museum s’adjoignent un troisième musicien. Rodé entre autres par une récente résidence à l’Eden carolo, leur électro-jazz kinétique s’élargit d’une contrebasse bien hormonée.
Surprise de casting. à notre rendez-vous de Saint-Gilles, il n’y a pas seulement Antoine Flipo (claviers) et Martin Grégoire (percussions), le duo nucléaire de Glass Museum, mais également Brieuc Angenot, 32 ans, chargé d’une toute nouvelle fonction de contrebassiste -en plus des instrus de synthèse- pour la tournée prochaine du groupe, passant notamment le 4 juin par l’Ancienne Belgique. Membre d’un autre duo, l’électro Elefan, musicien de feu Oyster Node et collaborateur de Juicy, rodé par le conservatoire et le jazz. “Je reprends les rôles avec ma contrebasse et mes différents synthés, un basse et un polyphonique, explique Brieuc. On peut penser qu’on va élargir le son, mais quand on s’immerge dans ce répertoire, on est trois cerveaux qui essayons de faire avancer la musique. Avec sans doute plus de place à l’improvisation.”
On est quelques jours après leur résidence à l’Eden et peu de temps avant une autre au Rideau Rouge de Lasne. Martin: “Reflet a, je crois, poussé ce qui était annoncé sur les deux premiers albums de Glass Museum. La musicalité, le dialogue entre Antoine et moi, les paysages sonores. On a fait des résidences près du lac de l’Eau d’Heure, puis à Feluy, un peu coupés de tout pendant des périodes d’environ une semaine. Puis d’autres au Luxembourg, à Bruxelles. On a un local de répétition chez Antoine, à Forest, mais il y a des voisins… Dès qu’on a commencé à travailler sur les compositions via Ableton (séquenceur musical logiciel) , on ne s’est pas donné de limite. Mais quand on a pensé à la transposition de la musique en scène, à supprimer les bandes et l’ordinateur -à l’exception d’une machine qui traite les sons des instruments- est venue l’idée d’avoir un troisième musicien”.
Et ici, l’importance des résidences s’impose (lire aussi notre article Résidences secondaires). Celle des trois journées d’avril à Charleroi plonge la formule du désormais trio dans la revisitation de tout le répertoire de Glass Museum, anciens et nouveaux titres. Lumières et scénographies comprises. Techniquement, c’est bien davantage qu’un ravalement de façade sonore ou un grigri esthétique. C’est comme d’accoucher une seconde fois de l’album. Avec un bébé qui a possiblement une autre tête. “Ça représente une vingtaine de jours de répétition avec Brieuc. Et davantage de moments d’improvisation. Par exemple, sur Reflet, le titre Auburn comporte un long solo de piano un rien jazzy. C’est bien de savoir qu’en concert, il y a une contrebasse, instrument mélodique, qui peut appuyer derrière. C’est bien aussi, après 150 à 200 concerts, deux albums et six années de live, de rafraîchir un projet, d’éviter les mêmes schémas, d’ajouter une tête pensante.” Ce parcours consiste à reprendre les textures en conservant leur nature, à dessiner des chemins initialement conçus à deux pour un élargissement à trois. Réimaginer l’espace de cette musique volontaire, hautement narrative, complexe, tout en donnant place à la jouissance physique. La marque aussi du label de Glass Museum, les Gantois de Sdban, repaire de Black Flower, TaxiWars ou Echt!
Concert à la cantine
Antoine: “Sdban (distribué par les autres Flamands de N.E.W.S.) a vraiment d’intéressantes connexions à l’international. Notamment sur le marché allemand. Où on a déjà joué, avant d’y retourner pour quatre dates fin mai, début juin.” Dont une soirée berlinoise au fameux Berghain, néanmoins dans la “cantine”, pas la grande salle du mythique lieu dance. Martin: “Si on joue dans un club de jazz, je ne vais pas taper comme à Dour à 16 heures, je vais y aller plus doucement au niveau dynamique.” Antoine enchaîne: “On veut rester hybrides, entre deux mondes. Mais on a quand même davantage d’ouverture au niveau du jazz, en concert ou en festival. On ne se retrouve pas trop dans les festivals électro même si on a déjà fait Bozar Electronic et des choses semblables.”
Une position désormais européenne -l’actuelle tournée passe par les Pays-Bas, la France et l’Allemagne en attendant d’autres dates- qui vaut à GM d’avoir remixé un titre de Rone. Affaire parfaitement 2.2 puisque le producteur français d’electronica avait mis dix stances, dix éléments sons, sur son site, proposant aux interneteurs de s’y essayer. Antoine: “Il devait y avoir à peu près 150 personnes qui se s’y sont frottées, et c’est nous qui avons décroché le remix…” Pas mal dans un CV où l’argent n’est pas encore trop présent, les cachets d’une demi-décennie de boulot intense étant, classiquement, quasi engloutis dans le matos, les décors, les divers. GM travaille notamment avec le collectif bruxellois OHME, faisant lien entre les arts et la science, pour des visuels dilatés. En attendant le statut d’artiste, “normalement d’ici quelques mois”, Antoine et Martin ont pratiqué des boulots comme prof de maths ou travailleur d’ASBL culturelle. Mais vivre de leur musique n’est plus tout à fait de l’ordre de la fiction. Si justice face au talent, il y a. CQFD.
Glass Museum “Reflet”
Distribué par N.E.W.S. ****
Comment combiner densité et clarté? Pas pour rien que GM a choisi de se baptiser de deux éléments symbolisant, un, l’idée suprême de la transparence et deux, la conservation, la mémoire, l’archivage. Moins entre deux mondes -l’electronica et les sensations organiques- que dans sa synthèse, en eaux musicales profondes. On ne se noie pas dans Reflet mais on éprouve cette impression d’être dans un caisson d’isolation sensorielle (Au-delà du réel). De voyager dans les limbes et de (re)jouir du stade ombilical. Par toutes sortes de sons qui passent dans l’humidité du jeu. Depuis l’ouverture Caillebotis jusqu’au huitième morceau signant l’extinction des feux et des signes multiples, Kendama, où le Northgate et la batterie laissent des traces non périssables.
En concert à Liège le 14/05, le 20/05 à Braine-le-Comte, le 04/06 à l’AB, le 07/06 à Gand, le 10/06 à Comines-Warneton, le 17/07 à Dour, le 21/07 aux Francofolies de Spa.Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici