Les éditeurs de jeux affûtent leurs bandes-son. Compositeurs, orchestres et rock stars sont de la partie.

Ennio Morricone, Danny Elfman, ou encore Hanz Zimmer sont des noms directement associés à un imaginaire. Il suffit de réentendre leurs B.O. de film pour revivre des expériences et sensations passées, pour réveiller des images. Aujourd’hui le cinéma n’est plus le seul à jouir de ce privilège. Dans le monde du jeu vidéo, les Jesper Kyd, Tyler Bates et Nobuo Uematsu jouent la même partition. Au point que les stars de la compo tendent à faire de l’ombre aux héros de pixels.

A l’instar des blockbusters hollywoodiens, il est en effet devenu inimaginable de ne pas posséder une bande sonore digne de ce nom. Avec des budgets de production qui gonflent (on parle en dizaines de millions de dollars) et boostés par des gamers toujours plus nombreux, mieux vaut ne pas se retrouver avec une pauvre gamme de « beep beep » en accompagnement. Ce qui débouche sur une vraie lutte de violons et trompettes entre les éditeurs de jeu.

Tout ça pour quoi? « Le but est de toujours repousser les limites du « game audio », explique Andrew Grier, responsable audio chez Codemasters UK. Ce que l’on vise à long terme, c’est la création d’un film interactif, il nous faut donc créer une musique qui colle le plus possible à la fois à l’univers du jeu et aux actions du joueur, et c’est cela qui demande beaucoup d’efforts ». Pas étonnant, dès lors, de voir apparaître un visage familier du cinéma comme Tyler Bates (compositeur notamment de 300 et Dawn of the Dead) dans l’équipe de Rise Of The Argonauts, RPG (jeu de rôles) qui sortira le 29 septembre.

Issus du 7e art ou spécialisés dans la sphère vidéoludique, certains compositeurs sont même vénérés comme des dieux au Japon.  » Il est courant, surtout pour les RPG, que les mêmes tandems de développeurs et compositeurs se retrouvent de jeu en jeu« , souligne Christophe Collet, journaliste chez Joypad. Gage de qualité pour les joueurs, mais aussi opportunisme marketing. Car si les fans de Spielberg ne louperaient jamais une seule de ses sorties, des Hideo Kojima (développement) et Harry Gregson-Williams (composition) peuvent aussi compter sur des hordes d’aficionados.

Electronic Arts pousse le curseur un peu plus loin. L’éditeur utilise ainsi les playlists de ses titres pour créer des exclusivités: NFL 09 comportera par exemple le morceau Lucid Dreams des Franz Ferdinand, dont le prochain album ne sortira qu’en février 2009. Si des puristes comme Andrew Grier trouvent que  » l’interaction avec le joueur est nulle quand on se contente de plaquer des tubes sur des images« , la recette n’en fait pas moins tourner la machine à billets. Le géant californien multiplie d’ailleurs les labels (Artwerk, Audiotrax) et se confectionne un beau panier avec de jeunes artistes dont il assure la promo, tels Junkie XL ou Airborne. Dernière trouvaille à ce jour: l’organisation d’une tournée européenne de ses protégés, début 2008.

UN MOUVEMENT IRRéVERSIBLE?

A la préhistoire du jeu vidéo, le score ne préoccupait pas tant les éditeurs. Technique oblige. Pour un jeu produit en un an, un mois voire une semaine suffisaient, ensuite, pour coller une ambiance.  » Mais les compositeurs devaient avoir un talent certain et de l’expérience dans les jeux vidéo, précise Didier Lord, Musical Supervisor chez Ubisoft. Maintenant, nous recherchons certes des artistes doués, mais ils jouissent d’une plus grande liberté.  » Un avis que ne partage pas vraiment Olivier Derivière, compositeur du prochain Alone in the Dark (novembre 2008):  » Nous restons soumis aux contraintes des éditeurs, qui n’ont pas souvent de vision véritablement artistique. Cela manque de profondeur« . A relativiser, donc.

Pour sûr, il s’en est passé des révolutions depuis Space Invaders, qu’Andrew Grier identifie comme la première composition interactive. Certains éditeurs renoncent cependant à couper les liens avec leurs origines. C’est le cas de Nintendo, qui s’est fondé une forte identité à partir de ses grandes licences ( Mario, Zelda et Cie), aux thèmes fédérateurs.  » Ce qui importe, pour nous, c’est la reconnaissance« , confirme Veerle Vanderjeugt, porte-parole de Nintendo Belgique. Authenticité avant tout, la firme nippone se contente de réinstrumentaliser ses légendaires génériques. Et ce ne sont pas les ventes de la Wii qui vont lui donner tort.

De plus en plus, le joueur est plongé dans une ambiance musicale soignée qui rappelle immanquablement le cinéma, avec l’Orchestre Philarmonique de Vienne dans son salon. A moins que ce ne soit Metallica. Tout bénéfice pour les oreilles et pour les nerfs. Mais pour la stimulation intellectuelle, les ambiances sonores extravagantes à la REZ, soft où chaque action déclenche une note, et Killer 7, délire schizophrénique où l’atmosphère passe de la béatitude à la noirceur en un instant, risquent de se faire rares.

En attendant la prochaine comète vidéo-musicale, les geeks pourront toujours quitter leurs écrans pour assister à une représentation de Video Games Live, cet orchestre américain qui s’est spécialisé dans les jeux vidéos, et qui attire des milliers de fans.

uwww.videogameslive.com

TEXTE KEVIN REYNAERTS (ST.)

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