L’éloge de la vulnérabilité

Six mois après Toute latitude, Dominique A fête ses 50 ans en sortant un nouvel album, La Fragilité, plus acoustique et dépouillé. Magnifique

Aussi fou que cela puisse paraître, cela fait maintenant plus de 25 ans qu’est sorti La Fossette... On se rappelle encore de la déflagration que ce disque a causée dans le paysage hexagonal. Et son auteur, Dominique A, de passer alors pour l’un des chefs de file d’une nouvelle scène française prometteuse. Un quart de siècle plus tard, ses principaux acteurs sont toujours là, mais les choses ont forcément changé. Les agitateurs de l’époque sont devenus l’ancienne garde.  » Parfois, j’ai l’impression que la musique que je fais est un vieux langage, une espèce de latin de la chanson française« , confiait récemment Dominique A, à L’Express. Aucune acrimonie ici. Juste un constat. Au printemps dernier, il écrivait encore dans ces colonnes:  » J’aurais trouvé ça horrible avant, dire ça: je me suffis. Aujourd’hui, non. C’est comme ça. On fait avec ce qu’on a, et ce qu’on a, c’est soi. » Et dans le cas de Dominique A, c’est déjà énorme.

Cette année, il aura ainsi sorti un livre – Ma vie en morceaux, chez Flammarion -, et pas moins de deux nouveaux albums. On a déjà parlé de Toute latitude, sorti en mars. Voici La Fragilité, le bien nommé. Le premier tenait de l’effort collectif, aboutissant à des chansons tendues à l’électricité et aux sonorités synthétiques new wave. Le second a été réalisé entièrement seul, de manière plus acoustique et dépouillée.

Au départ de La Fragilité, raconte Dominique A, il y a notamment une guitare. Un modèle bon marché, acheté à l’époque de La Mémoire neuve (1995),  » usé par les années et les tournées« . Elle a donné au disque sa direction. Mieux: sa patine. Ce qui ne veut pas dire que les chansons s’en contentent. Aux couleurs boisées viennent se mêler ici et là des claviers et des boîtes à rythmes rachitiques ( Beau rivage, Le temps qui passe sans moi).

L'éloge de la vulnérabilité

En cela, si La Fragilité et Toute latitude empruntent des chemins distincts, ils diffèrent moins qu’ils ne se répondent en permanence. Notamment en revenant sur certains thèmes -les décors perdus de la France rurale ( Le Grand Silence des campagnes), la guerre ( Le Ruban, comme une suite de La Clairière), la vie qui file ( » Il y a tant à gagner parfois quand le temps vous oublie » sur Le temps qui passe sans moi). Ici et là, il y encore l’idée que la beauté peut, sinon sauver, en tout cas colorer une existence d’autres nuances – La Poésie en ouverture, écrite au lendemain de la mort de Leonard Cohen, ou le bouleversant La Splendeur ( » Il demandait: ‘En ai-je fini avec la vie?/Est-ce l’heure?/Ai-je abusé?/Ai-je épuisé la splendeur?' »).

Davantage encore que Toute latitude, La Fragilité creuse cependant le sillon d’un certain classicisme -on n’a pas dit académisme. Fini les volte-face brutales, les gestes tranchés. Non pas que le chanteur ait abandonné le combat, délaissé totalement ses ambitions plus iconoclastes, mais c’est comme s’il avait appris à ne plus se braquer uniquement sur la destination, mais aussi à profiter du chemin, et à le documenter. Un itinéraire qui n’a rien de balisé, jetant les sentiments dans la lumière la plus crue, la plus sauvage.

Dominique A

« La Fragilité »

Distribué par Pias. En concert le 25/01, au Botanique.

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