VINGT-SEPT ANS APRÈS SON PREMIER EP, ARBEID ADELT! REJOUE SON ABSURDE NEW WAVE FLAMOUCHE DANS LA SÉRIE REWIND DE L’AB. LOGIQUE BOSSEUSE POUR UN GROUPE DONT LE NOM SIGNIFIE « LE TRAVAIL ANOBLIT ». TOUT UN PROGRAMME.

C’est quoi? Non, hein, on plaisante? Un groupe (chantant en) flamand des années 80, truc électro-bizarroïde pissant de l’absurde en trio, revenant d’on ne sait où pour une poignée de concerts nostalgico-nordistes? Il y a là une belle vlaamse story à raconter.  » On se présentait en enfants sages, en costumes, en réaction contre le débraillé punk. Le nom du groupe était une vieille expression venant de la Hollande du XIXe, signifiant que, si on travaille dur, on y arrivera. J’aimais ce symbole: j’avais été élevé par mes vieilles tantes parce que mes parents n’avaient pas le temps de s’occuper de moi« , dixit Marcel Vanthilt, l’agité du trio . Le nom amène la confusion, Arbeid Adelt étant confondu par les mauvais lecteurs avec le sinistre  » Arbeit macht frei » employé par le pouvoir hitlérien (1):  » Un jour, une vieille dame nous a traité de néo-nazis, alors qu’on n’avait strictement rien à voir avec cela. D’ailleurs, on avait pris des surnoms juifs… Dans notre esprit, le nom Arbeid Adelt! induit quelque chose de très belge, de très James Ensor. »

Bonnes s£urs & diffamation

Marcel Céline Gerard Edgard Vanthilt (sic) a une longue langue bien pendue et toute une armoire de grimaces naturelles, ce qui lui a valu de travailler un bon bout de temps pour MTV au rang de VJ. Londres et Phil Collins – » tous les jours dans les studios »- s’en souviennent encore. Au début, il y a donc Vanthilt, né en août 1957 à Bourg-Léopold, et le multi-instrumentiste Jan Van Roelen, arrivé 3 ans plus tard sur la même terre limbourgeoise. Jan:  » Comme Marcel, je viens d’une famille socialiste mais j’ai grandi dans un bled très catholique. Mon père était directeur de l’école communale et on habitait à côté des bonnes s£urs, qui faisaient courir des rumeurs diffamantes sur ma famille…  » Logiquement, les 2 loustics se rencontrent à Bruxelles au tout début des années 80, dans un café de la rue des Pierres, à un jet de Jup’ de l’AB. Marcel a déjà fait parler de lui en compilant le premier disque de new wave belge pour la (défunte) CGER, Get Sprouts, ce qui signifie à peu près  » Va te faire choux de Bruxelles » (…). Entre des exemples flamands (Rick Tubbax, Toy, TC Matic, De Kreuners), on y trouve 3 glorieux représentants « wallons »: Klang, Telex et Jo Lemaire. AA compose alors un machin zazou, avec des synthés aigres et le Marcel promenant son incroyable bobine vocale sur de maigres mélodies arrosées au houblon surréaliste, in het nederlands. Ce qui est assez rare pour l’époque déjà entichée d’anglophilie.  » Je faisais les éclairages pour Arno et TC Matic, et il m’a demandé de faire sa première partie, sans autre répertoire que les 2 faces de notre premier 45 Tours qu’on a donc joué intégralement lors d’un festival à Alsemberg: cela a duré 7 minutes! »

On est alors peut-être plus proche de Marcel Duchamp que de Marcel Vanthilt: l’arrivée de Luc Van Acker (1961), originaire de Tienen, change la donne. Guitariste doué, il partira d’ailleurs 2 ans plus tard jouer avec les Anglais de Shriekback, puis en Amérique, fondant Revolting Cocks avec Al Jourgensen (Ministry). En attendant, le petit Luc, qui a été chez les scouts cathos et fréquenté la messe tirlemontoise, cabosse sa guitare sur Jonge Helden, un EP de 7 titres qui sort en 1983, produit par le comparse d’Arno, Jean-Marie Aerts. La salle de bain prise en photo de couverture sera ensuite classée, devenant, selon Marcel, un  » monument hystérique« . Le disque propose e.a. une comptine pour (grands) enfants, Roodborstje, un hommage aux stars de la jeunesse de Marcel, Garbo et Dietrich ( 65+) et ce Lekker Westers qui incarne pleinement l’époque. Dans De man die alles noteert, le scénario d’un Bruxelles nocturne évoque une affaire de détective privé et de poursuite amoureuse, recomposé sous le sceau du bizarre arbeidien. Le début des années 80 voit la new wave flamande -baptisée Belpop- se développer dans un circuit qui englobe les MJ et les CC peuplant la Flandre plus ou moins profonde. Avant le triomphe de la New Beat, la Belpop met le nord du pays sur la carte de la musique pro. Mais l’époque est linguistiquement poreuse: l’album d’AA suivant Jonge Helden s’appelle d’ailleurs Le chagrin en quatre-vingts et dans la capitale, où les 3 musiciens habitent alors, tout se mélange ardemment. Le parcours du trio s’arrête une première fois au milieu des années 80 et reprend pour 3 autres albums entre 1991 et 1994. Entretemps, Marcel a déclenché une carrière de vedette télé -hier sur MTV, aujourd’hui sur la VRT et aux Pays-Bas-, Luc est devenu artiste solo/producteur, et Jan multiplie les expériences, sonores ou non. La jeune génération a réentendu Arbeid Adelt! via 2 Many DJ’s qui a mishmashé leur reprise de Death Disco. En 2007, une première réunion a lieu à Ostende pour les 50 piges de Marcel puis vient l’idée de rejouer Jonge Helden: d’abord au festival Sinner’s Day à Hasselt, puis tout prochainement à l’AB. Un peu d’humour dans cette communautarisation de brutes? Marcel, désormais résident anversois:  » Je veux qu’on en finisse avec BHV, je veux pouvoir voter pour n’importe qui en Belgique, même pour Di Rupo. » Bart de Wever n’a pas commenté.

(1) LITTÉRALEMENT,  » LE TRAVAIL REND LIBRE« , EXPRESSION QUI TRÔNAIT CYNIQUEMENT AU-DESSUS DE L’ENTRÉE DES CAMPS D’EXTERMINATION NAZIS…

3X2 PLACES À GAGNER POUR ARBEID ADELT! LE 04/02 À L’AB SUR WWW.FOCUSVIF.BE, RUBRIQUE FACTORY

TEXTE / PHOTO PHILIPPE CORNET

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