Le producteur Prinzly sort de l’ombre

Prinzly, homme de l'ombre désormais dans la lumière. © JONAGRAPHE
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Derrière quelques-uns des plus gros tubes rap francophones de ces dernières années, le producteur bruxellois Prinzly prend enfin le micro et sort un premier album solo, en forme de trip interstellaire.

Serait-il venu, le temps des producteurs? Traditionnellement planqués en coulisses, ils ont tendance à sortir de plus en plus souvent à l’air libre. On en veut pour preuve le carton du dernier album de Metro Boomin, porté par le hit Creepin’ (avec The Weeknd et 21 Savage). Ce vendredi, c’est au tour de Prinzly de sortir du bois. Jusqu’ici, pour repérer le Belge, c’était très simple: il suffisait, soit de le traquer en studio, soit d’éplucher les hit-parades. Depuis près de quinze ans, il y est abonné. Rien que ces derniers mois, le Bruxellois a encore mis la main sur les certifications de Damso, Tiakola, Hamza, Laylow, ou encore Disiz -“Prinzly qui m’appelle de BX/veut faire du son, des bêtises”, raconte le rappeur sur Rencontre, son premier numéro 1 depuis J’pète les plombs!

En sortant son premier album sous son nom, intitulé (((Passager 8))), le serial tubeur franchit une nouvelle étape. Il est à la fois derrière la console et au micro, producteur et désormais rappeur. Ou plutôt à nouveau rappeur. “En réalité, c’est toujours ce que j’ai voulu faire. Quand j’ai signé mon premier contrat, c’était en tant que compositeur et artiste. Sauf que la partie compo a explosé beaucoup plus vite: dès ma première année, j’ai fait dix placements de singles!” Rapidement, les grosses commandes s’enchaînent. Les clients s’appellent Booba, La Fouine, Kery James, Soprano, etc.

© National

En 2015, Prinzly décide finalement de relancer un projet perso. “Mais j’ai eu besoin de temps pour me redécouvrir en tant qu’interprète, retrouver mon identité.” Au même moment, il fait aussi la connaissance de Damso, qui vient de boucler Batterie faible. Une première collaboration officielle verra le jour avec l’album Lithopédion, en 2018. Mais c’est véritablement avec QALF que la paire va faire des étincelles. “Quand Damso me propose de coréaliser, je ne peux pas refuser. J’avais conscience que ça allait devenir un album important, non seulement pour lui, mais pour la culture. Quelque part, même si ça mettait à nouveau mes propres projets entre parenthèses, je savais qu’ils allaient aussi pouvoir bénéficier de l’impact de QALF.

Du béton à la lune

Si Damso n’est pas présent sur (((Passager 8))), d’autres sont venus y mettre leur grain de sel -Hamza, Disiz, Laylow, etc. “Au départ, je ne voulais aucun featuring, précisément pour éviter la confusion et le côté album de beatmaker. Mais finalement, les uns et les autres se sont manifestés spontanément, et tout s’est fait assez naturellement.” Dans tous les cas, Prinzly garde la main, capitaine d’un trip aux allures spatiales -“Bienvenue à bord de l’interstellaire turbo”, annonce la voix en intro.

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Si le rappeur Prinzly a le nez dans les étoiles -le titre de l’album fait bien référence au film Alien-, il n’en glisse pas moins ici et là des éléments plus directement biographiques. Né à Bruxelles, en 1988, Kevin Prince Nkuansambu-Miahumba Bwana a grandi du côté de Saint-Josse. Les racines familiales se trouvent elles au Congo RDC. “Ma mère est arrivée pour les études. Et mon père a décroché un contrat au Standard de Liège. Mais il venait d’un village. Quand il a débarqué ici, il a pété un câble. La vie de footballeur, tout ça” (rires). Les parents finissent par divorcer. Le paternel prend la tangente, et laisse la mère payer seule le prêt hypothécaire. “Les factures qui s’accumulent, les huissiers qui débarquent… Je ne me plains pas. Mais ça marque. Ça a fait que j’ai compris très jeune que la vie n’est pas simple, qu’il faut sans cesse se battre.”

Sur Flou, il explique: “THC saturé/Toute cette rage immaculée/Enfance crucifiée/Vie adulte prématurée. De fait, à l’adolescence, les galères se multiplient, les mauvaises rencontres aussi. “À un moment, on a déménagé à Liège. J’étais un peu dans des “histoires”. La police passait à la maison, des gens me cherchaient au quartier. Ma mère pensait que j’allais soit finir en prison, soit mourir.” Elle exagérait? “Avec le recul, je ne suis pas certain… À sa place, je crois que j’aurais fait pareil. J’ai eu des potes qui sont morts, d’autres en prison. Je sais que ça peut un peu sonner cliché, et ce n’est pas ce que je veux mettre le plus en avant dans ma musique, mais c’est la vraie vie.

Les leçons de Stromae

Heureusement, la musique va aider le jeune débrouillard à se canaliser. Autre cliché, certes, mais tout aussi vérifié par les faits. Lassé de rapper sur des faces B, Prinzly commence à chipoter ses propres compos. “Avec un simple micro de cybercafé, et durant les deux, trois heures par jour, où j’avais droit d’utiliser le PC familial, qu’on devait se partager avec mes frères et sœurs” (rires). Un jour, un pote prend les choses en main. “Il m’a dit que je ne pouvais pas continuer à bosser dans ces conditions. Trois mois plus tard, il est revenu avec un laptop.” Prinzly commence alors à faire écouter ses travaux. À Romano Daking, “qui était comme un grand frère. Ou un certain Stromae, quand celui-ci bossait encore au Quick -“je suis sûr qu’il ne s’en souvient pas, mais c’est le premier à qui j’envoyais des sons et qui me donnait son feedback.

Prinzly finit par poster cinq productions maison sur le compte MySpace de Street Fab -on est en 2008… Banco: le crew bruxellois de producteurs déjà multiplatinés intègre le jeune bidouilleur. La voie est royale. Certes, elle empêchera Prinzly d’assouvir ses envies de rapper. Mais elle permettra aussi au producteur d’élargir toujours plus sa palette. Y compris en débordant par exemple vers la pop -dernier exemple en date, sa participation à l’album Redcar de Christine & The Queens.

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Cet éclectisme, on le retrouve sur (((Passager 8))). “Et encore, je me suis retenu”, rigole-t-il. Dans le voyage cosmique proposé par Prinzly, on croise aussi bien Kanye West que Daft Punk, Timbaland ou Faithless. Un titre comme Voyageur, par exemple, n’a aucun mal à se brancher sur un groove house, tels Drake ou Beyoncé sur leurs derniers albums. “Le rap est ma musique, celle dans laquelle je me retrouve le plus. Mais je n’aime pas les codes. Ça m’ennuie très vite. Pourquoi se mettre des barrières alors que le but de la musique est précisément de s’évader?

Prinzly, ((((Passager 8)))), distribué par Trez Records.

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