Le GIF m’a tuer

Fantasmant un Web de 1999, Hypnospace Outlaw flique des pages perso fictives créées par des utilisateurs endormis. Un hommage à l’esthétique 90’s du Net.

Le 12 mars dernier, le World Wide Web soufflait ses 30 bougies et rendait hommage à Tim Berners-Lee, son inventeur. L’ingénieur informatique du CERN (1) a notamment vulgarisé l’idée de navigateur, de pages web et d’hyperliens. Trois décennies plus tard, Hypnospace Outlaw déballe une version alternative de sa Toile. Ce jeu d’aventure imaginé par Jay Tholen (le très glauque Dropsy le clown) glisse ainsi le gamer dans la peau d’un flic freelance traquant et bloquant du contenu illégal en ligne. Coincée en 1999, l’uchronie imagine toutefois un cyberespace où l’on chatte et créé des pages perso… pendant son sommeil, coiffé d’un serre-tête scrutant le cerveau.

Le génial Emily Is Away retraçait une relation amoureuse abusive par le simple biais d’une fenêtre de Live Messenger de Windows 95, il y a quatre ans. Hypnospace Outlaw élargit cette reconstitution historique en plongeant le gamer dans un faux système d’exploitation, plus vrai que nature. Du choix du thème de bureau (courgette ou fuchsia?) au simple son du click de la souris, cet HypnOS offre un voyage temporel aux mille détails. Le coeur de ce passé semi-imaginaire bat dans un océan de pages perso à explorer. Bienvenue dans le Web pré-blog…

Le GIF m'a tuer

Propriété d’une corporation baptisée Merchantsoft, cet Internet psychique regorge d’infractions signalées dans la boîte mail du jeu. Ces ordres de missions mentionnent par exemple un cas d’harcèlement par Zane- Rocks -14 ou une violation du droit d’auteur liée à Gumshoe Cooper, héros d’un cartoon fictif. Armé de sa souris, le gamer censure donc littéralement des pans entiers de pages web en cliquant sur des éléments comme des commentaires offensants ou des dessins copyrightés.

Good cop, bad cop

Un biker à la retraite qui a perdu sa femme, un shaman divorcé qui travaille avec ses enfants sur une brocante, un ado fan d’un Blink-182 imaginaire baptisé Seepage… Ouvrant des pages de vie détaillées, chaque site visité se pare de gifs animés entre ange étoilé et squelette dansant. Des textes chevauchent des photos dans des mises en pages bordéliques aux couleurs fluo. Superbe de mauvais goût, Hypnospace Outlaw mène très vite à fermer les yeux sur des pourriciels développés par des partenaires de Merchantsoft. Involontairement, on y applique aussi le droit d’auteur de façon abusive (sur des dessins d’enfants) pour récolter plus d’argent. Flûte de pan new age, punk rock US, rock publicitaire gluant… Le thème musical de chaque page ajoute au réalisme du voyage. Mais arrêter la musique sera nécessaire pour lire attentivement leurs contenus (vital pour dénicher des indices). Ce jeu d’aventure demandant de trouver des bons mots clefs baisse parfois de régime, lorsqu’on s’y perd. D’une resucée du petit chien animé de Word 95 à SquisherZ, un pseudo-jeu de Pokémon, Hypnospace n’en demeure pas moins fascinant tant ses conspirations noires et glitchées paraissent innocentes face à la toxicité des réseaux sociaux actuels.

Hypnospace Outlaw

édité par No More Robots et développé par Tendershoot, âge: 12+, disponible sur Linux, Mac et PC (version chroniquée).

7

(1) L’Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

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