[Le film de la semaine] Nocturama, de Bertrand Bonello
DRAME | Un groupe de jeunes commet des attentats simultanés dans Paris dans un film fulgurant, résonnant avec le réel mais porté par l’élan souverain de la fiction.
« Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un grand magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence. » C’est peu dire que le synopsis de Nocturama, même s’il entretient le flou sur les agissements de ses protagonistes, a fait couler beaucoup d’encre, suscitant dans la foulée attentes et spéculations. Difficile, du reste, d’appréhender le septième long métrage de Bertrand Bonello (lire son interview) sans être contaminé par les images que n’a cessé de charrier l’actualité récente, et auquel le film renvoie, presque malgré lui. Mais si ce nouvel opus résonne incontestablement avec le réel et, partant, avec l’époque, le réalisateur de L’Apollonide y imprime aussi l’élan souverain de la fiction, posant là un geste artistique fulgurant.
Perspective vertigineuse
Nocturama s’ouvre dans un luxe de tension muette, lorsque, passée la rumeur anxiogène des hélicoptères, la caméra s’invite dans les couloirs du métro parisien, cadre d’une chorégraphie silencieuse mettant en scène des jeunes gens aux déplacements minutés. Ils ont la vingtaine, présentent un profil générationnel hétérogène, et leur plan, à l’évidence minutieusement préparé, tient en quelques mots: commettre des attentats simultanés contre des cibles symboliques de Paris, avant de se retrouver dans un grand magasin pour y attendre que les choses se tassent… Et le film d’adopter une dynamique en deux temps où, à la montée d’adrénaline de la première partie, succède son pendant plus abstrait où, investissant un temple de la consommation, Nocturama joue la mélodie du désenchantement –I did it my way, entonne Shirley Bassey en un mélange de grâce et de dérision tragique-, sans d’ailleurs que la tension ne s’en trouve atténuée pour autant…
Bertrand Bonello se garde de poser les motivations de ses protagonistes, qu’il laisse à l’état de faisceau de possibles –« De toute façon, cela devait arriver« , observe Adèle Haenel dans un caméo, en écho à un climat général dont le réalisateur cerne la teneur, tout en ouvrant sur un futur incertain, l’ultime plan du film, étouffant un cri dans un murmure, s’adressant d’évidence au spectateur en quelque perspective vertigineuse. Soit une oeuvre virtuose où le cinéma de genre se fraie encore un chemin aux côtés de références englobant aussi bien le thème de The Persuaders que le Call Me de Blondie. Non sans s’inscrire dans la continuité de l’oeuvre, tant c’est de la fin d’une époque qu’il est aussi question dans un film glaçant et visionnaire à la fois, en un mot comme en cent, éblouissant.
DE BERTRAND BONELLO. AVEC VINCENT ROTTIERS, FINNEGAN OLDFIELD, HAMZA MEZIANI. 2H10. SORTIE: 07/09. ****(*1/2)
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