Critique

[Le film de la semaine] High-Rise, de Ben Wheatley

Tom Hiddleston dans High-Rise de Ben Wheatley. © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

FABLE DYSTOPIQUE | Ben Wheatley choisit de se mesurer au troisième tome de la fameuse Trilogie du béton de J.G. Ballard. Ambitieux, baroque et hyper graphique.

Quand il écrit High-Rise au mitan des années 70, J.G. Ballard est sans doute l’écrivain le plus représentatif de la « nouvelle vague » de la science-fiction britannique, dont la radicale modernité réside notamment dans l’exploration d’un espace non plus lointain mais intérieur, mental. Soit la contre-culture d’alors à son plus haut degré d’incandescence. Si David Cronenberg s’était déjà attaqué à son oeuvre avec Crash en 1996 -et, dans un tout autre genre il est vrai, Steven Spielberg à son Empire of the Sun dès 1987-, c’est un Ben Wheatley singulièrement téméraire qui choisit aujourd’hui de se mesurer au troisième tome de sa fameuse Trilogie du béton, fable dystopique fustigeant le culte aliénant d’un matérialisme galopant dans une tour aux accents technophiles, petite ville verticale et autorégulée dont l’arrogance phallique redistribue les cartes de l’éternelle hiérarchisation sociale en appartements quasiment cellulaires.

Ambitieux, baroque, hyper graphique, High-Rise est sans doute le film le plus ouvertement « kubrickien » du réalisateur de Kill List et A Field in England, dont le sommet déliquescent intervient le temps d’une reprise réfrigérée, sublime, du SOS d’Abba par Portishead. Il y a une évidence jouissive chez Wheatley à filmer le chaos, à faire sauter les unes après les autres toutes les coutures du grand corps social dans une orgie opératique et décadente qui acte la défaite de la civilisation en même temps qu’elle rend les êtres à leurs instincts les plus primaires. Devant sa caméra, l’infinie comédie humaine ressemble à un interminable mauvais rêve qui dysfonctionne. Surchargé, trop long, le film est aussi légèrement redondant dans sa férocité anticonsumériste, mais son sens de la débauche fascine, Wheatley y travaillant la figure du réseau à la manière d’une véritable mécanique des fluides: commencé dans le pétillement du champagne, High-Rise s’achève dans l’écoulement du sang.

De Ben Wheatley. Avec Tom Hiddleston, Sienna Miller, Jeremy Irons. 1 h 59. Sortie: 06/07.

>> Lire également notre interview de Ben Wheatley: « Je reste fasciné par la folie d’un Transformers »

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