Philippe Cornet

Le cadavre exquis de Michael Jackson

Philippe Cornet Journaliste musique

Conçus pour le marché jeune, les films d’anomation pratiquent couramment une BO de Pop/Rock vintage qui franchit les frontières de l’âge comme celui du bon goût supposé.

Par Philippe CORNET

Un dimanche après-midi d’hiver. Megamind s’enfonce lentement mais sûrement dans son scénario de méchant diabolisant la planète. La paupière des plus de 13 ans s’alourdit au fur et à mesure que la nouvelle production de DreamWorks à 130 millions de dollars multiplie les acrobaties. Pratiquement aussi nombreuses que les stéréotypes du scénario: le bien et le mal ne sont pas copains, la tricherie des sentiments, c’est pas chouette, la rédemption se fera dans la douleur.

Bref, on s’ennuie plus que les enfants, lorsque déboule l’OVNI: un morceau de Gilbert O’Sullivan, Alone Again (Naturally), vieux machin de 1972 tout en bleuette artichaut. Sullivan? Il possédait la voix du boyfriend cocufié et portait des shorts trop grands bien avant Angus « AC/DC » Young. Au début des seventies, avec Slade, Sweet, The Rubettes et Mud, il représente le sous-prolétariat glam, snobé par la critique (qui préfère Bowie et Roxy), mais adulé par les teenagers.

La présence de cette inoubliable saccharine détonne dans le paysage de Megamind,même si la BO est aux 4/5 vintage. Ce que confirme Mr Blue Sky d’Electric Light Orchestra, hit caramélisé de 1977, tout en faux marbre de cheminée Beatles et chorus d’anges joufflus. Autre groupe également peu glorifié en dehors des charts, ELO, même si le leader Jeff Lynne fera un bout de route aux côtés de Dylan, entre autres, au sein des Travelling Wilburys.

Sirop vintage

Bref, quand Bad de Michael Jackson fait irruption dans le film, cela confirme que les chargés de BO de Dreamworks ont raté leur stage en bon goût pop/rock. Ou plus sournoisement, qu’ils trouvent là le moyen de rompre la branchitude supposée de la société qui a produit Madagascar, Chicken Run, Kung Fu Panda et toute la série des Shrek.

Ce sont d’ailleurs les films de l’aimable ogre vert (plus gros succès commercial de DreamWorks) qui instaurent il y a 10 ans le défi au bon goût BO. Ainsi, le premier épisode, sorti en 2001, juxtapose l’interprétation upper-class d’Eels (My Beloved Monster) et de Rufus Wainwright (Hallelujah) aux standards psyché-soul tels que le Dance To The Music de Sly & The Family Stone et le Happy Together des Turtles. Plus inattendu, Shrek use et abuse des chips et des nougats: YMCA de Village People, Like A Virgin de Madonna, Stayin’ Alive des Bee Gees et last but not least, Feelings de Morris Albert, la ballade la plus dangereusement sirupeuse depuis l’invention du lait en poudre.

C’est là qu’on pige la tactique des BOistes de DreamWorks: retenir l’attention des parents, non seulement par le double sens manifeste du récit (on parle de Shrek) mais aussi par une collection de chansons à la fois up to date, nostalgiques, entraînantes (voire mentalement déficientes), mais foncièrement intergénérationnelles. Megamind est dans cette tradition sonore-là, dommage que le scénario soit si mou du genou. N’empêche: si Gilbert O’Sullivan refait surface, on saura d’où cela vient: d’une renaissance par film pour enfants interposé.

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