Le Bony King of Newhere revient: « Ça n’a jamais été à propos de moi, c’est juste à propos de la musique »

Bram Vanparys: “Il me semble compliqué de ne pas être péremptoire et donneur de leçon. De jeter un regard sur le monde de manière artistique.” © Lucinde Wahlen
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Toxicité de la communication en ligne, matérialisme échevelé… Le Bony King of Nowhere observe le monde qui l’entoure sur son premier album en cinq ans. Splendide.

Ça faisait un petit bout de temps que Bram Vanparys, alias The Bony King of Nowhere, avait disparu des radars. À se demander si son dernier disque sorti en septembre 2018 avec son titre dangereusement prémonitoire, Silent Days, l’avait rendu muet, laissé sans voix. “Je n’aime pas parler de syndrome de la page blanche. Mais je me suis senti coincé. J’utilisais toujours les mêmes accords. Je faisais en permanence les mêmes choses à la guitare. Je me fatiguais de ma propre musique. Alors, je me suis demandé si je devais m’obstiner ou si je devais arrêter comme l’avaient fait mes héros. Arthur Rimbaud avait 20 ans et quelques. Mark Hollis de Talk Talk aussi a tout abandonné. Parce qu’à un moment j’imagine, l’histoire est racontée. Dois-je persévérer si je n’ai pas de vraies nouvelles chansons à l’intérieur de moi? J’avais besoin de trouver une très bonne réponse avant de me décider. Je ne voulais continuer à écrire que si je trouvais une nouvelle manière de le faire. Je parle là autant de mes textes que de ma musique.

Bram a décidé dans un premier temps de raccrocher. De ranger sa guitare. C’était en 2020. Pendant la pandémie. Il n’y a pas touché pendant plus d’un an. “Je n’ai rien dit. Je pense d’ailleurs que si un jour je devais arrêter définitivement, je n’annoncerais rien. Je disparaîtrais. Parce que ça ne regarde personne d’autre que moi. Je me fous vraiment de ce genre d’exposition. Ce n’est pas à propos de moi. Ça n’a jamais été à propos de moi. C’est juste à propos de la musique. Et s’il n’y a pas de nouvelle musique, il n’y a rien à raconter.

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Questionnement existentiel. Le singer-songwriter a essayé de se réinventer et s’est demandé ce qu’il pourrait bien faire d’autre de sa vie. “J’ai découvert que j’avais toujours voulu créer des choses. Je ne parle pas nécessairement d’art. Mais je serais littéralement incapable de travailler devant un bureau.” La musique a fini par revenir frapper à la porte. La guitare par lui manquer. Comme sa vie d’avant. L’écriture, l’enregistrement, les concerts et le fait d’être avec ses potes sur la route. “C’est peut-être de l’ego mal placé mais ce qui a aussi commencé à me manquer, c’est d’être cette personne pour le monde extérieur. Ce type qui écrit des chansons et qui signifie quelque chose dans la vie des gens. Après Silent Days qui parlait de dire au revoir, de perte, j’ai reçu des messages et parfois de longs e-mails très personnels. C’est beau d’apprendre que ta musique peut rendre la vie de quelqu’un un tant soit peu moins douloureuse ou plus jolie.

Il a réalisé qu’il n’avait pas raconté la fin de l’histoire. Qu’il avait encore un album en lui. Encore fallait-il trouver une nouvelle manière de le faire. “Et je me suis forcé pour y arriver. Pour ne pas m’embourber dans mes habitudes. Je me suis par exemple imposé d’écrire des chansons sur une seule corde de guitare. Ça te procure davantage de liberté pour faire naître des mélodies. J’ai aussi acheté un piano. Je n’en avais jamais eu auparavant. Ce qui a profondément modifié mon songwriting également.

Radioheadien

Remarquable de bout en bout, Everybody Knows est l’album le plus radioheadien de The Bony King of Nowhere. Bram Vanparys doit beaucoup à Thom Yorke et à sa bande. Ne serait-ce que le nom de son projet (le sous-titre de leur chanson There There). Il avoue que son propre disque qu’il aime le moins est celui (Wildflowers) qu’il a enregistré à Los Angeles. “Je suis un grand amoureux de la musique américaine du XXe siècle. Mais j’ai depuis tenté de m’écarter de ce songwriting pour revenir à une conception plus européenne: Damon Albarn, Alex Turner, PJ Harvey, Talk Talk, et peut-être bien Radiohead. Kid A est probablement l’album le plus important de ma vie avec Bringing It All Back Home de Bob Dylan et Harvest de Neil Young.

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Polly Jean a toujours exercé une grande influence sur le Gantois mais pour ce disque elle a été une sorte d’exemple. “PJ Harvey se réinvente à chaque fois tout en gardant son monde à elle. Elle est systématiquement hors des conventions mais pas trop folle ou alambiquée. Pour Everybody Knows, je voulais une atmosphère complexe et sombre mais pas trop forcée non plus. Je veux que les gens entrent dans mon monde et il est important en tant qu’artiste de leur tendre la main.

Le Bony King a aussi été profondément inspiré par le leader des Arctic Monkeys. “Alex Turner m’a incité à employer des mots contemporains du quotidien. Avant, j’utilisais un vocabulaire hors du temps. Parce que j’étais influencé par des poètes comme Allen Ginsberg, T.S. Eliot, Robert Frost. Et bien sûr les débuts de Van Morrison, Leonard Cohen, Bob Dylan… J’avais presque peur d’utiliser des mots du XXIe siècle. Mais Turner reste très poétique en utilisant une imagerie contemporaine.” Grand amateur de rap, il l’a aussi invité à embrasser l’écriture hip-hop. “Ça a fait tomber chez moi les barrières restrictives et contraignantes de la grammaire. Tu n’as pas besoin d’un sujet, d’un verbe et d’un complément pour communiquer un sentiment ou une image.

Timing parfait. Vanparys voulait écrire un disque sur notre époque. “J’ai un jour lu une citation de Nina Simone qui disait: c’est le boulot d’un artiste que de refléter les temps dans lesquels il vit. Et ça me dérangeait parce que je trouvais que ce n’était pas ce que je faisais.” Alors, il a cherché à observer le monde autour de lui.

Everybody Knows parle de la toxicité de la communication en ligne. De cette course permanente qu’est devenue l’existence. De la frontière qui s’estompe entre le taf et la vie privée. “Nick Cave est connu pour aller au boulot avec sa valise et son costard. Je ne suis pas aussi extrême. Mais j’essaie de diviser mon temps.” Ou encore de matérialisme échevelé, de consumérisme malade (Get One Free). “Aujourd’hui, tout n’est plus que marketing. Notamment en ligne. Si tu veux regarder YouTube sans les pubs, tu dois payer. C’est partout autour de nous. On te fait croire que tu as besoin de toutes ces choses pour avoir une vie parfaite et être heureux. Mais il y a aussi la publicité que les gens font en permanence d’eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Le marketing de soi. Tout le monde se bat avec ces problèmes, je crois. C’est pour ça que j’ai intitulé le disque Everybody Knows. Je ne dis rien de nouveau mais je tends un miroir aux gens.

The Bony King of Nowhere, Everybody Knows, distribué par Unday/NEWS. Le 08/03 à l’Ancienne Belgique.

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