Album - Hiver à Paris
Artiste - Dinos
Genre - Rap
Label - SPKTAQLR
Avec le double album Hiver à Paris, Dinos célèbre son nouveau statut, tout en ne pouvant s’empêcher de voir ce qu’il lui coûte.
En octobre 2020, Dinos récoltait un premier disque d’or pour Taciturne. C’était à la fois une victoire pour celui qui avait démarré officiellement sa discographie en 2013. Et la preuve que l’explosion du rap ne bénéficiait pas qu’aux “ambianceurs” des charts, mais aussi aux plumes plus “techniques”. Depuis, Dinos a confirmé sa position de rappeur qui a réussi à s’inscrire dans l’air du temps, tout en conservant certains fondamentaux. Avec un succès grandissant -il fallait voir, cet été, le triomphe remporté au festival de Dour. Après Imany et Taciturne, le diptyque Stamina, Memento a encore mieux scoré. C’était d’ailleurs l’objectif avoué. Sur Simyaci, l’un de ses nouveaux morceaux, Dinos explique: “J’ai fait Stamina pour être platine, et ça s’est vu/Le disque de platine est toujours dans le papier bulle/Aujourd’hui, je suis un peu star, le serveur m’a reconnu.”
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La traversée de Paris
Né Jules Jomby, Dinos est donc ce rappeur indé, roi sans véritable hit, mais apprécié de tous. “Tu peux ne pas m’aimer/mais tu peux pas me détester”, déclare-t-il sur AMG Performance, titre d’ouverture de son nouvel album. Double, Hiver à Paris a tout pour devenir son nouveau blockbuster. Pour preuve, la liste des featurings, qui rassemble quelques-uns des principaux cadors du rap du moment –Ninho, SCH, Laylow, Hamza. Autant de collaborations au minimum efficaces.
Mais si Dinos y met la manière, son art tient surtout dans cette mélancolie qui lui tient au cœur et au corps. Une seconde nature qui lui fait toujours voir l’autre face de la pièce, même quand elle est en or. “Y a sûrement quelqu’un que tu connais qui pleure pendant que tu ris”, balance-t-il sur 4 saisons. Ou encore: “Je penserai à mon divorce pendant mes fiançailles”, sur L’univers ne nous voit pas danser, l’un des sommets du disque, avec Akhenaton (et un sample de November Ultra). Il est cet “homme perdu”, qui s’entraîne “à être heureux/pour être prêt le jour où le bonheur sera vraiment là” (citant Diam’s sur Par amour). C’est le blues de Dinos avec tout ce qu’il peut avoir d’attachant, aussi bien dans ses fulgurances que, parfois, dans ses facilités.
Avec Hiver à Paris, le traitement toujours plus précis de la voix donne une nouvelle épaisseur à l’interprétation du rappeur de La Courneuve. Le double album est aussi l’occasion de donner une tonalité particulière à son vague à l’âme. En deux parties -rive droite, rive gauche-, Dinos raconte comment le succès l’a amené de l’une à l’autre: “Je suis censé être un mec de tess et là, j’achète des jus bio à neuf euros le litre (…) Maintenant que je suis devenu un bobo, je crois que j’ai honte” (4 saisons). Il montre ainsi comment tout transfuge de classe est porteur d’ouverture -“Si je te dis que je suis homophobe, je te mens/Si je te dis que je l’ai jamais été, je te mens encore plus” sur ADN. Mais aussi de déchirements et de culpabilité.
Sans surprise, l’hiver est la saison préférée du rappeur. Celle que Mallarmé décrivait comme la “saison de l’art serein” mais aussi “l’hiverlucide”… Pour le coup, Dinos l’a rarement autant été.
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