Critique | Musique

L’album de la semaine: CocoRosie – Heartache City

CocoRosie © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

POP | Enregistré avec des vieux jouets et des instruments anciens, Heartache City ramène CocoRosie sur le chemin de ses rêves enfantins.

Il y a onze ans déjà, CocoRosie sort d’on ne sait vraiment où, avec un premier album féérique, La Maison de mon rêve, enregistré dans la salle de bain d’une chambre de bonne de la butte Montmartre. On parle de freak folk, de revival hippie. On découvre surtout deux soeurettes américaines avec un univers bricolé, vivant, poétique et rien qu’à elles. Des comptines qui mêlent la magie du quotidien avec celle d’un improbable ailleurs.

Avec le temps, Bianca et Sierra Casady avaient un peu perdu de leurs charmes et de leur finesse. Et abandonné les paysages fantasmagoriques, mystérieux et merveilleux pour s’aventurer sur des terres plus proches de l’électronique que de leur folk lo-fi et enchanteur.

Sorti depuis le 18 septembre en digital (dès le 16 octobre dans tous les bons magasins), Heartache City est un retour aux sources. A la délicatesse enfantine, au minimalisme magique. Inspiré, de leurs propres dires, par la vieille poésie du sud des Etats-Unis et une romance nostalgique de leur adolescence, ce sixième disque est le meilleur des frangines depuis longtemps. Peut-être même depuis cette carte de visite à la fraîcheur innocente et sans âge.

Billie Holiday sous acides

Fabriquées dans leur ferme studio de Camargue sur un magnétophone 4 pistes, en se limitant à des instrumentations minimalistes et acoustiques, puis terminées en Argentine avec Nicolas Kalwill, ces dix nouvelles ritournelles s’ouvrent sur les bruits d’une boîte à musique qu’on remonte pour son bambin (le splendide Forget Me Not) et parlent aux mioches qui sommeillent plus ou moins profondément en nous.

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Finies ou du moins canalisées les envolées lyriques parfois bien pompeuses de Sierra, adios les sons plus synthétiques et électroniques: CocoRosie retrouve cette ambiance d’histoires qu’on se raconte autour d’un feu de camp au milieu des bois pour se faire peur. Flippant en entendant les branches craquer. La lampe de poche braquée sur cette voix parlée/rappée/ éraillée de gentille sorcière qui joue avec le fantôme de Karen Dalton.

Heartache City est né par accident. Quand les deux sacrés numéros, qui ne comptaient pas spécialement se mettre à plancher sur un nouvel album, ont retrouvé en ouvrant une malle dans leur studio du sud de la France de vieux poèmes jadis écrits par Bianca. Dans cette salle de jeu où tout est cassé, où aucun instrument n’est accordé comme il se doit, Coco et Rosie leur ont rapidement dessiné des ambiances. Sans effets digitaux ni ordinateur. Configuration artisanale, humeur au bricolage et à l’expérimentation… Avec Heartache City, les Américaines retrouvent toute leur beauté onirique. Toute leur douce étrangeté. Tout leur fragile équilibre. « Sounding like two little Billie Holidays an octave higher if you were on acid in Tokyo in 1926 », résumait à leur sujet Jim Jarmusch avec tout son sens de la formule. Have a nice trip!

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