Lait sauvage

Avez-vous déjà rêvé d’une boîte de chocolats qui ne vous offrirait que des friandises au goût acidulé mais inédit? C’est la délicieuse impression ambivalente provoquée par les 24 objets nichés dans Lait Sauvage. Bien peu de recueils auront en effet pétri notre inquiétude latente -sans jamais la lisser- avec une telle dose de tendresse que celui-ci. Pas étonnant d’y trouver en exergue une citation de Beckett: ici l’absurde a son rond de serviette et les blagues dans les bars citent Emily Dickinson. Dans la nouvelle-titre, vous verrez au détour d’une page un bébé qui écrit son prénom ( » LAMBEAUX« ) et dans Pâte à modeler, une narratrice qui n’est pas sûre qu’être poétesse puisse suffire, dans ce monde si lourd à porter. Dans Piscine, les enfants au bord du bassin ressentent la  » non-joie des fossiles« . C’est avec une vraie audace (aussi formelle) que cette autrice-plasticine taquine le réel et repousse toute tentative de corseter la représentation des familles. Éclatés, conflictuels, et avec des mères qui portent littéralement leur charge mentale comme les marsupiaux, les foyers qui nous sont donnés à lire sont souvent au point d’incandescence ou de rupture, avant leur prochaine mue. Peut-être les filles deviendront-elles des oeufs durs ou les fils auront-ils les oreilles qui s’émoussent? Si vous n’êtes pas frileux à l’idée de vous laisser engloutir par une matière aussi gluante que celle des rêves ou des contes noirs, une triple ration est recommandée. Sabrina Orah Mark n’est à coup sûr pas votre mère, mais adoptez-la durablement, sans demander de bon d’échange!

De Sabrina Orah Mark, éditions do, traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Vanderhaeghe, 168 pages.

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