Critique | Netflix

[la série de la semaine] Inventing Anna, sur Netflix: mathématiquement, l’affaire avait tout pour réussir

© DAVID GIESBRECHT/NETFLIX
Nicolas Bogaerts Journaliste

La première création de Shonda Rhimes passe à côté de son sujet, malgré ses ficelles narratives habiles et une nouvelle prestation réussie de Julia Garner.

Mathématiquement, l’affaire avait tout pour réussir: le récit authentique d’une fausse héritière qui a bluffé le monde de la jet set new-yorkaise; la présence au générique d’une des actrices frissons du moment, Julia Garner, révélée dans la série Ozark; la papesse des séries télé glamour célébrant l’empowerment féminin, Shonda Rhimes, aux manettes d’un premier hit Netflix. Ainsi se formulait la promesse d’une série captivante auscultant les coulisses d’une des arnaques les plus emblématiques des années 2010, une disruption du capitalisme bling-bling, un révélateur puissant, un plaisir coupable quelque part entre The Assassination of Gianni Versace de Ryan Murphy et le récent docu The Tinder Swindler. Au bout des neuf épisodes, malgré une gestion intelligente des tensions et des révélations, une actrice principale et quelques seconds rôles bien investis, surnage l’impression d’un rendez-vous manqué.

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Superficialité

Racontée dans un article de la journaliste Jessica Pressler, qui coproduit la présente adaptation, la combine d’Anna Delvey, alias Anna Sorokin, avait sucé sur quatre ans plus de 275 000 dollars aux banques, hôtels et comptes personnels de ses relations glanées dans le who’s who de New York, avant son arrestation en 2017. Inventing Anna retrace le scandale par flash-back en suivant l’enquête de la journaliste, renommée ici Vivian Kent, entre visites d’Anna en prison et de ses proies dans leurs petits souliers. Plutôt que de plonger dans une psyché individuelle et collective sinueuse, Rhimes semble rivée à sa propre fascination pour ce qu’Anna convoite: la réussite matérielle ostentatoire (que la caméra filme avec tous les codes de la télé-réalité la plus racoleuse) mais surtout une maîtrise délirante sur un réel dont elle maintient en permanence la distorsion, nourrissant un mensonge qui dévore tout sur son passage. La version Shondaland de l’empowerment féminin se révèle d’une grande superficialité, qui dissout inexorablement l’intrigue. Elle relaie même (peut-être malgré elle) les délires misogynes sur la prétendue hystérie consubstantielle aux femmes: la journaliste Kent franchit toutes les règles de déontologie, se complaît dans l’univers qu’elle voudrait décrypter, néglige son travail quotidien, s’emporte sans cesse contre ses supérieurs avec force gesticulations et grimaces qui rappellent les outrances comiques de Bette Midler dans les années 1980.

Si l’invention du personnage d’Anna Delvey a fait ses preuves durant quatre ans, le sens profond de ce que son arnaque a révélé du monde du fric et des apparences, au-delà du bon divertissement voyeur, reste encore à trouver.

Inventing Anna

Drame. Une série créée par Shonda Rhimes. Avec Julia Garner, Anna Chlumsky, Arian Moayed. Disponible sur Netflix. ***

[la série de la semaine] Inventing Anna, sur Netflix: mathématiquement, l'affaire avait tout pour réussir

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