La partition Manoukian

André Manoukian © GETTY IMAGES
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Aussi fameux pour ses apparitions médiatiques (La Nouvelle Star…) que pour son travail d’instrumentiste-compositeur, André Manoukian sera à Bruxelles ce jeudi pour une conférence à la villa Empain intitulée « Comment la musique va sauver l’Orient? »

« Ils ont intitulé la conférence « Comment la musique va sauver l’Orient? », ce qui me semble un peu ambitieux. Il s’agit plutôt d’un voyage en Orient, mon voyage personnel… » Au téléphone depuis Paris, le musicien français pose le cadre de sa venue bruxelloise. Sans doute aussi fameux pour ses apparitions médiatiques -notamment à La Nouvelle Star– que pour son travail d’instrumentiste-compositeur, André Manoukian a déjà un long parcours derrière lui, lorsque ses racines familiales prennent de l’importance. « C’était il y a une dizaine d’années. Jusque-là, je me considérais comme Français né en France de parents qui y étaient également nés, mais d’origine arménienne. Et puis j’ai découvert la musique de mes grands-parents arrivés en France dans les années 20, imprégnée des cultures du Caucase. L’Orient est compliqué et c’est précisément ça que j’adore. La musique occidentale fonctionne avec sept modes, et deux gammes, la majeure et la mineure. Nous avons donc sept couleurs: en Orient, ils en ont 50. »

Né à Lyon en 1957, éduqué au classique, Manoukian a fait un long trajet dans la variété, produisant et composant notamment pour Liane Foly, un temps sa compagne, tout en investissant le jazz, devenu son domaine de prédilection. C’est en réalisant la musique d’un documentaire sur la diaspora arménienne que l’auteur-compositeur repense au fameux concept des philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari: la déterritorialisation, « soit l’idée qu’un territoire ne vaut que s’il est quitté ». « Et c’est ma propre histoire de porter ce territoire qui va être mythifié et devenir important pour moi. Dans ce contexte, le jazz est un vecteur pour ramener des musiques qui ne sont pas forcément connues, celles d’Arménie et des environs, coincées entre Occident et Orient. Il y a des pièces de là-bas qui font penser à Satie ou Ravel, avec du spleen russe. Et puis il y a aussi l’utilisation de la mélancolie avec délectation, l’équivalent du blues aux États-Unis ou de la samba au Brésil. »

En remontant le fil du Caucase, Manoukian rassemble les  » pièces de son propre puzzle », s’extasiant sur un instrument tel que le duduk, sorte de flûte arménienne qui peut rappeler la voix humaine. « À La Fondation Boghossian, je vais parler de la musique arménienne que je joue, celle d’avant le génocide, issue d’anciennes chansons, la plupart transmises oralement. Et puis il y a l’apport du jazz qui, en Orient, est consubstantiel à la musique: avant le génocide, en Azerbaïdjan, il y avait des concours d’improvisation collective, bien avant que le jazz ne naisse à La Nouvelle-Orléans. » C’est précisément d’improvisation musicale que sera également faite la conférence donnée chez Boghossian, dans la foulée d’un nouvel album au titre palpant l’époque, Apatride. « Un mot engagé que je revendique: c’était le statut de mon grand-père qui, arrivé en France dans les années 20, est néanmoins resté apatride pendant une quarantaine d’années. Et apatride, c’est aussi la nationalité des musiciens qui peuvent se parler sans connaître la langue de l’autre. La musique réunit, c’est tout l’objet de ma venue à Bruxelles. »

Conférence le 1er février à 19h à la Villa Empain à Bruxelles, animée par Gaïdz Minassian, journaliste au Monde. www.fondationboghossian.com

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