La méthode Murakami

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L’auteur de La ballade de l’impossible évoque les différentes facettes de son métier dans un essai passionnant où il se raconte avec modestie et esprit.

S’il est sans conteste le plus illustre des écrivains japonais contemporains, Haruki Murakami n’est pas pour autant du genre à se livrer, se tenant, pour l’essentiel, à l’écart de toute activité médiatique. Les interviews de l’auteur de la trilogie 1Q84 sont rares, ses interventions publiques guère moins, et c’est pour partie ce qui fait le prix de cet essai paru au Japon en 2015 où, non content d’évoquer l’écriture en général et son métier en particulier, le romancier se raconte, fût-ce entre les lignes.

Ainsi, déjà, dans le premier des onze textes assortis d’une postface qui composent ce recueil. Murakami, on le sait, est un adepte rigoureux de la course à pied, au point de publier, voici quelques années, un Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. En quoi l’on serait tenté de voir le prolongement naturel de son activité littéraire, lui qui pose:  » Écrire un ou deux romans, ce n’est pas très difficile. En revanche, poursuivre cette activité durant une longue période, passer sa vie à écrire, survivre en écrivant, c’est une entreprise quasi impossible. Peut-être serait-il bon de préciser: impossible pour un être humain normal. Car… comment l’exprimer au mieux? Le romancier a besoin de quelque chose de spécial. » Une capacité particulière différant du seul talent qu’à défaut de pouvoir définir, l’auteur entreprend d’illustrer, embrassant en termes concrets les diverses facettes de son métier, de la révélation de sa vocation (une  » épiphanie » survenue lors d’un match de base-ball) à son méticuleux processus d’écriture, en passant par l’évolution de ses personnages ou encore les prix littéraires (il s’en remet à Raymond Chandler pour traduire, non sans humour, son sentiment à l’égard du Nobel, dont la rumeur le donne régulièrement comme favori), et jusqu’à la société japonaise.

La méthode Murakami

Comme l’eau sur la peau

S’il y a là diverses considérations d’ordre général, l’ouvrage ne s’en avère pas moins résolument passionnant. Ainsi, par exemple, lorsque Murakami explique avoir trouvé sa voix propre, un style à la fois singulier et économe, en choisissant d’écrire son premier roman, Écoute le chant du vent, en anglais avant de le traduire en japonais, esprit aventureux qui jettera les bases de l’oeuvre à venir. Ou quand il compare la perception d’un roman à l’expérience des onsen:  » Quand on se baigne dans une source thermale, même si l’eau n’est pas brûlante, on se sent réchauffé jusqu’au plus profond de son corps et l’on conserve cette chaleur même après être sorti de l’eau. (…) Si mes romans faisaient ressentir aux lecteurs ne serait-ce qu’un peu de la chaleur de l’eau des sources thermales, cette sensation intime que l’on a sur la peau, j’en serais vraiment heureux. Pour le lecteur comme pour le romancier, aucune norme ne dépasse cette « sensation ». »

Profession romancier

De Haruki Murakami, éditions Belfond, traduit du japonais par Hélène Morita, 208 pages.

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