Titre - Nous, huit milliards d’humains, moins vingt-sept, plus septante, le temps de lire ce titre
Mise en scène - Laurence Dervaux
Date - Jusqu’au 07/01/2023
Lieu - Au BPS22, Charleroi
Laurence Dervaux met en scène une exposition aux allures d’opéra baroque. cette immersion invite à méditer sur la fragilité du vivant.
C’est commotionné que l’on quitte Nous, huit milliards d’humains, moins vingt-sept, plus septante, le temps de lire ce titre, l’intitulé complet de la proposition de Laurence Dervaux (1962) au BPS22. L’exposition se découvre comme une odyssée circulaire allant de l’obscurité à la clarté, du micro au macrocosme, du “noble” au “dégoûtant”, de la vie à la mort, en empruntant le chemin de ces liquides qui nous font, les “humeurs” comme on disait autrefois. Le tout est servi, “serti” faudrait-il dire, dans une grammaire formelle acérée et impactante -notamment à travers une trilogie chromatique dominante (le noir, le blanc, le rouge) qui subsiste longtemps sur la rétine. Ce choix d’une forme esthétisante est l’une des spécificités de l’artiste tournaisienne. “Il y a sans cesse chez elle une volonté de jouer sur le double mouvement attraction-répulsion…”, explique Pierre-Olivier Rollin, commissaire et directeur du BPS22.
La vie liquide
Tout commence par une plongée dans le noir. Le visiteur est mis en présence d’une machine alambiquée. Difficile de ne pas penser à l’alchimie devant ces miroirs, fils rouges agissant par capillarité, perles réfléchissantes, dame-jeanne chinées et autres contenants en verre remplis de liquides qui dessinent une vaste métaphore au titre limpide, La quantité d’eau contenue dans dix-sept corps humains (2003). L’immobilité de la pièce n’est qu’apparente, c’est une machine que l’on a devant les yeux. Il est autant question que pour Cloaca, le tube digestif imaginé par Wim Delvoye, de “nourrir” la bête -le système possède une autonomie d’un mois, évaporation oblige. Une différence de taille toutefois: là où le natif de Wervik s’arrêtait au cheminement du fruit des entrailles, Dervaux se sert de multiples points lumineux pour esquisser un au-delà du corps. Celui-ci s’appréhende par le biais de projections nées de la rencontre entre les liquides de différentes teintes (jaune, rouge, brunâtre… comme autant de liens vers les organes qui nous composent), la lumière et les reflets des verreries. Sur les murs s’esquissent d’impressionnantes auras en mouvement qui évoquent l’univers radiologique. Il n’est pas interdit d’y voir une “métaphysique des fluides”. Ce bastion de chair constitue le cœur du propos de l’artiste -dont on ne narre ici qu’une infime partie-, qu’elle le mette à plat, à l’image de Fluides humains (2006-2007), un ensemble de sculptures de formes organiques en verre soufflé; qu’elle en arrête le cours à la manière des 26 gouttes de sang suspendues à la charpente de la Grande Halle, ou que Dervaux en souligne la fragilité à travers une installation vidéo, Be Passing (2010), montrant un vase rempli de liquide rouge s’écraser au sol. Cette dernière séquence, dont le dramatique fracas s’écoute au casque, égrène en boucle, à la façon d’un verset existentialiste, “le passage du sang contenu au sang répandu”. Il n’est autre que celui qui mène de vie à trépas.
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