La La Land: quand le cinéma refait sa propre histoire et que ça marche
Après son triomphe au Golden Globes, La La Land a conquis la Grande Bretagne et remporté 5 prix aux BAFTA. On se penche sur ces films qui revisitent un genre et multiplient les clins d’oeil à l’histoire du cinéma.
La La Land est la nouvelle coqueluche des jurys d’Europe et d’Amérique. Après avoir triomphé dans 7 catégories aux Golden Globes, il remporte 5 prix aux BAFTA. Les britanniques l’ont élu meilleur film. Ils ont également décerné le sacre de meilleur réalisateur à Damien Chazelle et celui de meilleure actrice à Emma Stone. Quant à la bande-son, elle a été récompensée par le prix de la meilleure musique originale. Et le succès du film ne s’arrêtera certainement pas là. Il est en lice dans 14 catégories aux Oscars. Ce n’est pas tout: le public semble également avoir jeté son dévolu sur la comédie musicale dont les résultats au box-office mondial sont prometteurs (près de 300.000.000 dollars en 2 mois d’exploitation).
Le film décrit l’univers du showbiz hollywoodien et ses désillusions. Mia (Emma Stone) rêve de devenir actrice et auteure dramatique mais doit se contenter d’un boulot de serveuse et de castings ratés. Sebastian (Ryan Gosling), pianiste de jazz, est quant à lui contraint de travailler comme musicien de mariage. Après plusieurs rencontres improbables et plus désastreuses les unes que les autres, les deux artistes en herbe tombent amoureux. Ensemble, ils tentent de vivre leurs rêves hollywoodiens. Cependant, à mesure que leurs carrières s’épanouissent, elles prennent de plus en plus de place. La La Land c’est une romance délicatement mélancolique. Magique comme une comédie musicale et réaliste comme l’histoire d’un couple pris dans les tourbillons d’Hollywood.
Une histoire du cinéma en chansons
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Loin de vouloir réactualiser la comédie musicale, La La Land se teinte d’un doux verni nostalgique et multiplie les références à l’histoire du genre. Or, la comédie musicale prend souvent pour décor son propre univers: le monde du spectacle. Le récit de Mia et de Sebastian ne se tient pas au coeur d’Hollywood et de ses studios par hasard. Le film critique le mécanisme du showbiz dans lequel il est lui-même pris. La comédie musicale n’exclut pas le réalisme. Elle s’empare au contraire du quotidien pour le rendre magique. En cela, elle se prête particulièrement bien aux histoires d’amour. Voilà pour le scénario. Qu’en est-il de la mise en scène? Les couleurs vives des costumes, les décors romantiques et les grands mouvements de caméra sont autant de références aux codes du genre. La première scène, une danse improvisée sur les toits de voitures immobilisées dans un embouteillage, nous plonge immédiatement dans cette dimension spectaculaire. Elle semble directement inspirée du film Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Ensuite, les références directes s’enchainent. Emma Stone et Ryan Gosling chantent, dansent et font des claquettes. Seuls en scène et seuls au monde, ils instaurent une ambiance intimiste qui rappelle les films du couple Fred Astaire-Ginger Rogers. Certaines scènes s’inspirent directement de comédies musicales mythiques. La La Land prend donc la forme d’un hommage à la comédie musicale. Elle revisite un genre en s’emparant de ses codes avec ironie. Et ça marche!
Ces dernières années, de nombreux films empruntent la voie du « revival » avec plus ou moins de succès. Assez pour qu’on se penche sur le phénomène et qu’on dresse une liste non-exhaustive de ces film-hommages.
Le cinéma procède à de régulières séances de psychanalyse. Il met en scène son univers et son histoire. En 1950, Sunset Boulevard décrivait la mort du cinéma muet. Pour ce faire, il employait deux stars déclinantes elles-mêmes issue de ce cinéma d’un autre temps. Entre réalité et fiction, la limite est parfois mince. Woody Allen dans Hollywood Ending, Michael Keaton dans Birdman ou Guillaume Canet dans Rock’n Roll: tous jouent leur propre rôle. À force de clins d’oeil, ces films gagnent la complicité du spectateur ou l’agacent. Entre critiques et acclamations, ils passent rarement inaperçus.
1. The Artist
Le film français retrace l’évolution du cinéma muet vers le parlant, rappelant comme Sunset Boulevard qu’il a entrainé le déclin de grandes stars. Tourné en noir et blanc, à 22 images par seconde au lieu de 24, avec une lumière inspirée de l’éclairage de l’époque, il met en scène des acteurs (Jean Dujardin et Bérénice Bejo) dont le jeu se réfère aux codes du cinéma muet hollywoodien. Plus qu’un simple hommage, The Artist est un véritable mélodrame qui est parvenu à toucher le public. Dépression et décadence à l’écart des projecteurs: le thème n’est pas neuf mais il émeut toujours. Oscars, César, BAFTA, Golden Globes, Festival de Cannes… Le film a tout raflé entre les années 2011 et 2012.
2. Django Unchained
Tarantino revisite le western spaghetti. Les noms des personnages, les chansons de la bande-son et les scènes font référence aux films emblématiques du genre: Le Mercenaire, Sierra Torride, Shaft, Bonanza… Mais surtout au Django de Sergio Corbucci. Le film étant caractérisé par une violence inédite pour l’époque, il n’est pas étonnant qu’il ait attiré l’attention du réalisateur américain. Il donne ainsi le nom de « Django » à son personnage principal. Dans la lignée des westerns classiques, Tarantino s’empare d’un thème politique et moral, revisitant l’Amérique esclavagiste. Meilleur succès commercial du réalisateur, il s’est également démarqué dans les festivals internationaux dont les Oscars, les BAFTA et les Golden Globes.
3. Hail, Caesar!
L’âge d’or du cinéma hollywoodien sert de toile de fond au film les frère Coen. Sur le tournage d’un péplum, la vedette (Georges Clooney) se fait kidnapper par un groupe de scénaristes communistes. Une jeune star du western incapable d’aligner plus de deux mots dans un anglais correct est dépêchée en urgence pour jouer dans un mélodrame. Le directeur du studio tente de cacher la grossesse d’une de ses actrices principales. La comédie musicale et ses vedettes gay, le western quasi-muet, l’artificialité du mélodrame, la chasse aux sorcières du président McCarthy… Tout y passe. Dans un joyeux brouhaha la comédie se fonde avec humour sur ses références à l’histoire du cinéma. Un peu faible pour la plupart des critiques. Le film fut boudé par les festivals les plus prestigieux, mais il reste un joyeux condensé d’histoire du cinéma.
4. American Horror Story
Le concept du revival peut s’étendu à une série et American Horror Story l’a bien compris. Depuis 6 saisons, elle manie les codes du film d’horreur. Une maison hantée par plusieurs générations de fantômes, un asile tenu par des bonnes soeurs nymphomanes et un nazi qui se prend pour Frankenstein, une école de sorcière traversée par les rivalités, une foire aux monstres et d’étranges disparitions, un hôtel transformé en machine à tuer, une émission de télé-réalité faisant appel à des professionnels pour venir à bout de phénomènes surnaturels… Chaque saison s’empare d’un schéma vu et revu pour le rendre captivant et terrifiant. On reconnait avec plaisir les références et on frissonne tout de même. La série a déjà reçu de nombreux prix, notamment aux Golden Globes et aux Emmy Awards.
5. Skyfall
Restreint à l’univers d’une série de films, le principe reste le même. Si la myriade de récompenses obtenues par Skyfall est notamment due à une bande-son réalisée par Adele, elle récompense également le difficile exercice pratiqué par le réalisateur. Reprenant une série solidement ancrée dans l’histoire, Sam Mendes est parvenu à la renouveler tout en rappelant ses origines. Un agent Q jeune mais tout aussi compétant que son prédécesseur, le retour de l’Aston Martin DB5, des scènes d’action classiques et croustillantes, les origines écossaises de l’espion, une Moneypenny séduisante et victime du machisme de 007… Les références aux précédents James Bond ne se comptent plus dans Skyfall. Un hommage qui dépasse la révérence pour se faire une place propre au rang des films d’actions.
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