Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

20.15 LA UNE

DRAME DE JEAN-PAUL LILIENFELD. AVEC ISABELLE ADJANI, JACKIE BERROYER, DENIS PODALYDèS. 2009. »C e film fera les manchettes! » Emmanuel Tourpe, responsable de la programmation à la RTBF, avait fait le déplacement en projection de presse uniquement pour délivrer cette sentence. Il a probablement raison. Jacques Attali, président du jury des Globes de Cristal 2009 – qui a décerné à ce film une « Pépite de cristal » – a eu cette phrase à son sujet: « La journée de la jupe est àEntre les murs ce que Pulp Fiction est à la Bibliothèque Rose « . Brutale, assurément, cette Journée de la Jupe. Mais aussi polémique. Et reçue de bien différentes manières selon les sensibilités. Rien qu’au sein de la rédaction de Focus, elle a suscité le débat. Certains la jugeant « caricaturale » et « tendant vers le grotesque », alors que de notre côté, nous l’avons trouvée « entière » (avec, bien entendu les défauts que cela implique) et « bouleversante ».

Présentée hors compétition au dernier festival de la fiction télévisée de La Rochelle (son réalisateur Jean-Paul Lilienfeld a d’abord trouvé des partenaires télé avant de convaincre des distributeurs ciné, son film aura donc une vie en salle), l’£uvre a été ovationnée debout. A l’issue de la projection bruxelloise à l’attention de la presse belge, les yeux – des journalistes, des atta-chés de presse… – étaient rouges quand les lumières se sont rallumées, dans un silence assourdissant.

COUP DE POING

Difficile de rester insensible à cette histoire de dérapage, de doigt dans l’engrenage, qui peut concerner chacun. Sonia – surprenante Isabelle Adjani – est prof de français dans un collège de banlieue. Le genre d’école où les caïds font la loi, où les gosses s’emmerdent sec, où les petites violences ordinaires pourrissent le quotidien de tous, enseignants et élèves. Dans sa classe, ce matin-là, ça se bouscule, ça s’insulte. Un flingue tombe du sac d’un ado. Sonia s’en empare, maladroite. Un coup part, un élève est touché. La prof panique, tient sa classe en joue, et la prend en otage. « Couchez-vous par terre, comme à la télé! ». C’est le début d’une terrifiante escalade. Un négociateur s’enquiert de ses revendications. Sonia ose réclamer qu’on instaure chaque année une journée de la jupe dans les écoles, elle qu’on a tant traitée de « pute ». Le directeur de l’établissement (Jackie Berroyer) racontera aux policiers : « Plusieurs fois je lui ai dit qu’il ne fallait pas venir en jupe à l’école, que ce n’était pas neutre, qu’il fallait tenir compte du contexte ».

La journée de la jupe est un film sur l’enseignement, sur les relations hommes-femmes, la peur, la politique d’immigration française – et européenne -, sur la colonisation, la violence… Le nombre de thèmes brassés est évidemment trop grand pour les exploiter chacun avec finesse. Il n’empêche, ce film coup de poing, que certains vivront comme une catharsis, questionne avec sincérité un certain nombre de problèmes contemporains. Jean-Paul Lilienfeld a eu l’envie de le réa-liser en regardant les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises à la télé. « Ce qui m’a frappé sur ces images, c’est qu’il n’y avait pas une seule fille. Je viens de Créteil, et jadis, les bêtises étaient mixtes. « 

Myriam Leroy

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