Emiliana Torrini aime les surprises. L’Islandaise sort son album le plus riche et varié. Piquant au passage des guitares et un claviériste à Franz Ferdinand.

De près ou de loin, tout le monde a déjà entendu une chanson de la ravissante Emiliana Torrini. D’abord, parce qu’elle a interprété le générique final des Deux Tours, deuxième volet du Seigneur des anneaux. Ensuite, parce qu’elle a écrit avec son complice Dan Carey le tube international Slow pour Kylie Minogue. Dans un monde idéal, tout le monde aurait chez lui l’indispensable Fisherman’s Woman (2005), son meilleur disque à ce jour. L’Italo-Islandaise ne se montre pas amère pour autant.  » Je n’ai rien à prouver. Je ne suis pas là pour me vendre, dire s’il vous plaît et implorer les gens de m’écouter. J’aimerais prétendre que je planifie intellectuellement tout ce que je fais mais c’est tellement loin de moi. Je préfère rentrer en studio sans trop savoir ce que je vais y enregistrer. Je trouve ce contexte rassurant et j’aime l’excitation de la surprise. »

Quand elle évoque son écriture, Emiliana parle d’ailleurs de songwriting accidentel.  » Les vrais songwriters pondent des tas de chansons tous les jours. Ils doivent choisir parmi une centaine de morceaux les dix qu’ils vont dévoiler sur leur disque. Moi, la plupart du temps, je ne prévois même pas de B-sides… » Tout semble naturel chez la douce Scandinave. En ce compris l’enregistrement de Me and Armini.  » Dan m’a emmené pendant cinq jours à Oxford. Loin de toute distraction, nous avons pu nous mettre entièrement au service des chansons. Flottant dans notre petit monde hors des contingences et du rythme de la vie moderne. » Quelques mois plus tard, les deux comparses se sont retrouvés pendant cinq jours en Islande. Ils sont ensuite entrés en studio.  » Au total, nous avons mis ce disque en boîte en deux semaines et demie. Il s’agit d’un album très spontané. Je n’ai rien enterré. » Tout au plus, en fin de parcours, a-t-elle nettoyé. Oté le superflu pour laisser l’essentiel respirer.  » Si je ne l’avais pas fait, j’aurais eu beaucoup de mal à réécouter mes morceaux. Parce qu’au fond de moi, je sais comment ils doivent sonner, de quoi ils ont besoin. Je n’aime pas l’idée que des instruments soient juste là parce qu’ils sonnent bien et font joli. Les éléments doivent s’emboîter, prendre sens. »

Un jour nouveau

A l’entendre en parler, on comprend vite la complicité qui unit Emiliana Torrini et son producteur Dan Carey.  » Nous sommes très proches. Je suis la marraine de son enfant. Il fait partie de la famille. Je me sens à l’aise avec lui. Vous savez, je ne suis pas très orthodoxe en studio. J’ai tendance à dormir. A tenter les gens avec quelque chose à boire ou à manger. Je fais tout sauf travailler. Heureusement, Dan est patient et il sait qu’à un moment de la journée, tout va se déclencher. Il accepte et comprend mon rythme. » Le sien risque de s’emballer. Dan Carey a commencé à bosser sur le nouveau Franz Ferdinand. « Oui, il a changé. Il est devenu insupportable depuis, taquine Emiliana. Pour tout vous dire, nous avons piqué des guitares aux Ecossais. Je leur ai même emprunté leur claviériste pour Big Jumps . Le pauvre est arrivé tout essoufflé. Il a l’habitude de se déplacer à vélo en Ecosse mais Londres est grand. »

Bavarde, la belle s’esclaffe. Blague. Nous gratifie de quelques mimiques. Elle protège l’âme d’enfant qui l’habite et la guide.  » La sortie de Me and Armini était prévue pour l’an prochain mais je n’aurais pas pu attendre six mois. J’en aurais trépigné d’impatience. J’ai donc bousculé notre calendrier et un petit peu affolé ma maison de disques.  » Avant ça, Emiliana a soumis l’album au jugement de ses proches. « Parce que quand tu t’impliques corps et âme dans un projet, tu perds toute forme de recul. »

La jeune femme, qui a enregistré son premier album (un disque de reprises) à 18 ans pour l’anniversaire de son père, entretient une relation particulière avec la musique.  » Je l’écoute comme je regarde un film. Je me dis tiens, ce soir, je vais me faire tel ou tel disque et je lui accorde toute mon attention. A la rigueur, le lendemain, je peux le tolérer en arrière-fond mais j’aime les silences. » D’ailleurs, Emiliana n’a pas de chaîne hi-fi à la maison.  » J’économise pour m’en acheter une. Elle est incroyable. La meilleure du monde, glisse-t-elle avec les yeux qui crépitent et l’excitation d’un enfant qui attend son cadeau de Noël . Pour l’instant, je possède juste une petite base à laquelle connecter mon iPod. «  La petite fée du grand nord n’a même pas Internet chez elle. « Je déteste faire les choses par obligation. Mon téléphone est éteint les trois quarts du temps. Et quand il sonne, il m’arrive souvent de ne pas y répondre. Ce qui a le don d’irriter mes proches. Je désire simplement mettre mon temps à profit. Le Web est l’un des meilleurs moyens de le gaspiller. Tu rassembles des informations stupides. Tu penses que tu sais tout sur tout mais tu nages à la surface des choses. » Emiliana préfère la profondeur. « Il faut se montrer courageux pour être heureux. Mais quand tu redescends les pieds sur terre après avoir ressenti des émotions intenses, tu vois le monde sous un jour nouveau. »

Rencontre Julien Broquet

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