AUTOBIOGRAPHIE | Riad Sattouf remonte aux sources de son enfance arabo-bretonne dans un récit autobiographique doux-amer. Affaire à suivre.
Sa meilleure source d’inspiration, c’est lui. Riad Sattouf le prolifique n’en finit pas de puiser dans ses souvenirs, ses fantasmes, ses angoisses et ses névroses de jeunesse la matière d’une oeuvre gondolante.
Il y a donc une certaine logique à voir le compagnon de route de la brillante génération Blain, Sfar et Sapin s’aventurer sur le chemin balisé de l’autobiographie. On pourrait presque parler de prolongement éditorial naturel si cette exploration intime ne dégageait dès les premières planches un parfum plus corsé que d’habitude. L’humour est toujours là, bourgeonnant sur la branche de nos petits travers et gestes les plus incongrus, mais il a gagné quelques grammes de gravité en se coltinant un réel moins inoffensif que celui de l’adolescence, son terrain de jeu de prédilection jusque-là. L’auteur reconnaît d’ailleurs que c’est la situation en Syrie qui l’a incité à concrétiser un projet autour duquel il tournait depuis des années.
Tout commence à Paris dans les années 70. Riad est le fruit de l’union improbable entre une mère bretonne et un père syrien venu en France pour étudier à la Sorbonne. C’est d’ailleurs au restaurant universitaire que le couple fera connaissance. En 1978, sa thèse en poche, Abdel-Razak Sattouf emmène sa famille en Lybie où il a décroché un poste d’enseignant. Premier contact avec le monde arabe pour le petit blondinet et premières sidérations, entre fascination pour le guide Kadhafi omniprésent, rencontres insolites avec des autochtones et surtout télescopage avec les moeurs locales. Comme cette manie de s’insulter à tout bout de champ, l’injure préférée étant « Ta gueule fils de chien ». Dans ce régime dictatorial où la pauvreté règne en maître, la politique n’est jamais loin. La mère de Riad l’apprendra à ses dépens quand elle sera prise d’un fou rire en lisant à la radio où elle a été engagée des déclarations à la gloire du colonel.
Au nom du père
S’il déshabille ces régimes de l’intérieur, Riad s’attache aussi à sonder la personnalité de ses proches. En particulier celle de ce père assis entre la chaise de la modernité, de l’ouverture d’esprit et celle, rigide, d’une tradition qui le rattrape à tout bout de champ, et le fait par exemple fulminer quand sa femme ose utiliser le mot « Dieu » pour évoquer Georges Brassens. Atavismes qui ressortiront quand la famille Sattouf ira s’installer en Syrie, après un bref détour par la Bretagne, plus exactement dans le village natal du père, près de Homs. Pas vraiment une expérience de tout repos pour le jeune Riad qui va devoir affronter des conditions de vie pour le moins rustres et se farcir les brimades de cousins belliqueux pro-Al Assad qui le traitent de sale Juif. C’est dire si le retour en France en 1984 ressemble à une opération de sauvetage. Mais le répit ne sera que de courte durée…
En veine de confidences, l’artiste livre un témoignage fort, tendre et lucide, sur cette période matricielle de sa vie. L’humour assouplit le cuir du quotidien. Conjugué à un sens aigu de l’observation et à un dessin dépouillé et féroce servi en bichromie, il aide à faire passer une pilule plus douce-amère qu’il n’y paraît à première vue. Vivement la suite!
- L’Arabe du futur: une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), de Riad Sattouf, Allary Editions, 184 pages.
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