Le compositeur de Steven Spielberg est l’objet d’un concert-événement le 12 octobre à Gand. En prélude, il a répondu aux questions de Focus.

Compositeur attitré de Steven Spielberg depuis The Sugarland Express en 1974, non sans avoir collaboré avec des personnalités comme Brian De Palma, Robert Altman, Arthur Penn ou Alfred Hitchcock, John Williams est assurément une pointure dans l’univers de la musique de film. Un auteur consacré par 45 nominations aux Oscars, avec 5 statuettes à la clé.

Qu’il s’invite à Gand – par partitions interposées – constitue donc un véritable événement. L’occasion aussi d’entendre, interprétées par le Brussels Philharmonic, quelques-unes de ses compositions les plus fameuses, d’ E.T. à Indiana Jones, de Close Encounters of the Third Kind à Harry Potter & the Prisoner of Azkaban.

Focus: le festival se focalise sur l’important effet que la musique produit sur un film. N’est-ce pas malgré tout une forme d’art encore toujours sous-estimée?

John Williams: par le passé, les compositeurs de musique de film étaient parfois considérés comme des artisans travaillant sur commande pour Hollywood. Ou pire encore: comme des musiciens classiques ratés. Quand j’étais encore étudiant, aucune université américaine ne proposait de cours de technique du cinéma. Sans parler de l’enseignement de la musique de film dispensé par les académies. Heureusement, tout ça a changé. On considère enfin que nombre d’innovations technologiques et stylistiques sont précisément issues du cinéma.

Vous avez un jour dit que la musique de film était l’un des rares et authentiques arts typiquement américains.

Je voudrais nuancer. On a toujours composé de la très belle musique de film en Europe. Et aux débuts de Hollywood en tout cas, l’impact de compositeurs européens atypiques – comme Korngold ou Steiner – a été très important. Je veux dire que la musique de film a, au cours de cette dernière décennie, aussi influencé d’autres genres musicaux. Ce qu’il y a de typiquement américain là-dedans, c’est que Hollywood, qui est quand même la plus grosse industrie cinématographique du monde, a joué un rôle central dans ce processus de maturation. Ce qui était à l’origine considéré comme un produit culturel populaire est devenu, grâce à Hollywood, un medium artistique en tant que tel.

Pianiste de concert, et vous avez composé diverses £uvres classiques dans les genres les plus variés. Cela ne vous dérange pas d’être constamment associé à vos hits que sont vos travaux pour Star Wars et Indiana Jones, et parfois réduit à cette étiquette de maestro de la bande-son classique et héroïque?

Je ne peux pas me plaindre d’un manque de reconnaissance. Il est vrai que j’ai une préférence pour la musique symphonique, mais si vous écoutez attentivement, vous entendrez également des influences venues de l’avant-garde, du jazz, de la comédie musicale et du rock. Vous connaissez la bande originale que j’ai composée pour Memoirs of A Geisha? Je m’y suis même inspiré de la musique traditionnelle japonaise. Ce n’est donc pas comme si j’avais un jour eu l’impression d’être victime de mon succès, dans le sens où les gens attendraient sans cesse de moi du symphonique ou des thèmes populaires. J’ai toujours pu parcourir tout le spectre musical, dans et au dehors du monde du cinéma. Il reste que c’est mon travail symphonique qui marche le mieux auprès du grand public, mais ça ne me frustre certainement pas. Au contraire.

Quelle serait votre définition d’une bonne bande originale?

Elle doit être complémentaire et porteuse, mais pas envahissante ou chargée intellectuellement. Il faut trouver un équilibre entre une efficacité discrète et l’originalité artistique.

Vous avez composé la musique de pratiquement tous les films de Steven Spielberg. Vous avez su dès le départ qu’un lien particulier vous unissait?

Cela se développe de manière organique. Mais lorsque j’ai vu The Sugarland Express, j’ai tout de suite su qu’il allait devenir un grand monsieur. En ce qui concerne ma relation avec Steven, je suis juste un veinard. Quand il m’a sollicité pour la première fois, je n’étais pas encore très connu, mais il a trouvé mon travail pour The Reivers tellement bon qu’il a voulu que nous collaborions. Il m’apprécie encore toujours, musicalement, personnellement, et c’est réciproque.

Rencontre Dave Mestdach

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