Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

DES RACINES ET DES AILES – POUR SON 4e ALBUM, IRON & WINE S’ÉLOIGNE TOUJOURS UN PEU PLUS DU FOLK PASTORAL DES DÉBUTS. SANS LE RENIER, MAIS EN LUI DONNANT UNE NOUVELLE ÉPAISSEUR, QUASI POP.

« KISS EACH OTHER CLEAN »

DISTRIBUÉ PAR 4AD.

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On peut évoluer sans forcément changer, bouger les meubles sans pour cela repeindre tous les murs. Kiss Each Other Clean, 4e album d’Iron &Wine, n’a plus grand-chose à voir avec l’initial The Creek Drank the Cradle, sorti en 2002. Et pourtant, il n’y aucun doute sur la paternité des 2 disques. A la man£uvre, le même Sam Beam (né en 1974, dans un trou perdu de la Caroline du Sud), seul maître d’£uvre d’Iron & Wine.

Au départ, le bonhomme a la tête de l’emploi. Pilosité faciale fournie à la Will Oldham, gratte sèche, accords boisés ascétiques. Le profil idéal pour intégrer la classe Americana. Avec brio: Iron & Wine a directement suscité l’intérêt des amateurs. Petit à petit, Beam va cependant tester leur ouverture… Déjà avec le précédent The Shepherd’s Dog, le bonhomme avait gonflé la voilure, élargissant sa palette de couleurs et de sons, en y intégrant notamment des éléments soul ou afro.

Caïn et Abel

Iron & Wine s’est ainsi peu à peu éloigné de l’option folk pastorale des débuts. Finie la posture arty-country austère, dont on devine que Sam Beam est bien le dernier à vouloir s’y laisser enfermer. De la même manière, il rechigne à donner trop d’importance à ses textes poétiques et truffés de références bibliques ( Me And Lazarus). « J’ai vécu dans un environnement très croyant, et je sais que la religion est une composante importante de la vie américaine, mais personnellement je ne suis pas quelqu’un de particulièrement religieux. Les références sont là, parce que ce sont des métaphores pratiques. Je parle de Caïn et Abel, et tout le monde me comprend. »

Pour être clair, il n’est vraiment pas certain que ce père de 5 filles attache beaucoup d’importance aux canons du cool, même ceux afférents aux folkeux barbus de base. Une dernière preuve: pour Kiss Each Other Clean, Beam n’hésite pas à citer la Motown, mais aussi Elton John ou Fleetwood Mac… « C’était la musique qui passait à la radio quand j’étais petit, notamment lors des longs trajets en voiture avec mes parents. A un moment où vous ne vous posez pas la question de savoir si c’est ‘branché’ ou pas. «  Un morceau comme Tree By The River, par exemple, est infiltré par des ch£urs californiens ensoleillés, tandis qu’un saxophone funky guilleret vient se balader sur Me And Lazarus (le même est de retour, façon New Orleans, sur Big Burned Hand). Plus loin, un vibraphone et un clavier électrique à la Stevie Wonder viennent éclairer Monkeys Uptown… Du coup, on ne s’ennuie guère, le songwriting de Sam Beam restant au-dessus du lot.

Certes , Kiss Each Other Clean reste encore parfois un peu à distance. Comme s’il n’arrivait pas à remplir tout à fait le cahier des charges qu’il s’est lui-même donné. Car même plus « pop » et plus accessible, c’est encore dans la longueur et dans l’écoute attentive qu’il s’appréciera le mieux. C’est le principal « défaut » du disque. Mais c’est aussi l’un des seuls…

EN CONCERT LE 16/02, À L’ ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

LAURENT HOEBRECHTS

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