De l’acné au burn- out en passant par les drogues et la dépression, Focus s’est penché sur les maladies et addictions des stars. Stupéfiant.

On a tous vu ces images d’une gamine de vingt-six ans traquée, lessivée, disséquée, escortée par les flics ou hissée en pleurs dans une ambulance. Toujours sous la lentille obscène et languissante des caméras. Voilà Britney Spears, star en perdition prolongée, incapable de maintenir sur les rails un semblant de vie sociale et familiale. Bienvenue dans l’interminable liste des grands fissurés du music business, rayon précoce. A dix ans, Spears apparaît dans des productions off-Broadway puis à onze, devient vedette-favinette du Disney Channel et de son New Mickey Mouse Club. A dix-sept ans, elle vend neuf millions d’exemplaires de son Baby One More Time. Une décennie plus tard, 83 millions d’albums et presque autant de looks écoulés, la coquille Spears semble vide, inerte et échouée dans un coma de type post-médiatique prononcé. Alcool, cocaïne, médocs, voilà le podium qui n’amène aucune médaille olympique. De l’autre côté de l’Atlantique, Pete Doherty et Amy Winehouse donnent leur version british de l’affaire. Toujours les mêmes scripts pathétiques de perte de contrôle et de déchéance publique. Il fut un temps où les stars abîmées savaient rester discrètes. Prenez Elvis Presley, star cosmique à vingt-et-un ans, accro aux amphétamines deux ans plus tard. Un bénéfice de la nécessité de rester éveillé aux man£uvres du service militaire en Allemagne… De 1956 à 1958, Presley passe de révélation mirifique de la jeunesse américaine à icône mondiale absolue: sa pharmacie ne s’en est jamais remise. Dans les deux décennies qui vont mener à sa mort le 16 août 1977, le King est aussi celui des drogues « légales »: il absorbe une montagne de placydils (pour combattre l’insomnie) et de dexedrine (pour remonter la pente). Avec une discrétion protégée par la bande de demi-barbouzes qui l’entoure et une hypocrisie majeure, Presley dénonçant toute sa vie durant, la culture des drogues des hippies.

L’EXEMPLE VIENT D’EN HAUT

Bien avant le rock, le jazz est le premier bastion de la came et de l’alcool. Pas question de précocité ou de starification, les musiciens des années 40 à 70 vont consommer une drogue qui semble anesthésier la douleur de vivre et dissiper la cruauté de la ségrégation. L’héroïne enrobe la carrière de Miles Davis, Charlie Parker, Billie Holiday, John Coltrane et de beaucoup d’autres. Elle s’intègre tellement dans le jazz qu’elle en devient partie prenante, intègre un code qui alimente la légende du be-bop au même titre que les photos de William Claxton, New York et le label Blue Note. Après, quand tout le monde est plus ou moins accro, cette poudre-là est concurrencée par une autre blancheur létale, la cocaïne. Ce puissant stimulant du système nerveux central rentre dans le Top 5 du rock seventies aux côtés de Fleetwood Mac, Martin Scorsese (un grand consommateur) et des moumoutes permanentées à la Van Halen. C’est à la fin de ces eaux-là, en 1982, que s’ouvre très symboliquement en Californie, le Betty Ford Center, la première « rehab » chic et publique, lieu de passage obligé de futures générations d’intoxiqués. Betty Ford, femme du président américain, étant elle-même accro à l’alcool et aux opiacés. L’exemple vient toujours d’en haut… Mauvaise époque en tout cas qui conduit les stars à de tels niveaux de consommation que le remplacement des cloisons nasales dévastées par la coke devient une opération de routine. Au même titre que les « changements de sang en Suisse » de Keith Richards, champion du polymorphisme qui absorbe héro, alcool et coke en invraisemblables quantités. Les drogues contribuent fortement à la mythification de Richards et des Stones et à celle du rock tout court. Désormais squatté de victimes précoces – cf. la fameuse trilogie Hendrix-Joplin-Morrison -, le rock est un grand cimetière où l’âme des morts célèbres contribue grandement aux ventes de disques. La drogue est d’ailleurs un indice de niveau social. Les punks arrivant vers 1975 n’ont pas les moyens d’acheter de la coke, et consomment d’abord du speed (bon marché), côté anglais, et de l’héroïne côté new yorkais. Celle-ci fauche quelques ténors comme Johnny Thunders (New York Dolls, Heartbreakers), Dee Dee Ramone et l’idiot congénital Sid Vicious, overdosé à l’âge de vingt-deux ans.

POUR LES PLAISIRS…

La coke, toujours très populaire aujourd’hui, devient comme l’alcool: une drogue normative, (relativement) banalisée . Si Sinatra joue un junkie dans L’homme au bras d’or en 1955 ( photo), sa came à lui se trouve plutôt du côté du bar. A tel point que dans l’Amérique archi-puritaine des années 50-60, Frankie et son Rat Pack, mettent Bourbon, Gin et Martini-Olive au menu de chaque spectacle. Rares sont les rock-stars qui, à une période ou l’autre, n’aient pas connu de quotidien torché. Et ce n’est pas Keith Moon, mort à trente-deux ans d’une overdose de médicaments destinés à combattre son alcoolisme, qui étanchera notre soif de victimes. Parce qu’il y a dans tout ce cirque rock (au sens large), un air patibulaire d’excès à en mourir. Un côté jeux du stade rendu encore plus dingue par la présente consommation vorace et plurielle (voir Amy Winehouse). Il n’existe plus une drogue dominante mais un catalogue invraisemblable de saloperies – crack, méthamphétamine, ecstasy… – dont on sait bien maintenant qu’elles « n’élargissent pas le champ de la conscience » et ne satisfont aucune thèse pseudo-existentialiste. Dans un schéma assez jumeau entre toutes les cames, le plaisir s’arrête dès que l’addiction est là. Alors pourquoi s’abrutir de dopants? Voici une hypothèse. Si un jour, vous vous êtes retrouvé sur une scène face à un public complètement dévoué/hypnotisé dans son amour pour votre musique, il vous a été impossible de ne pas ressentir l’extraordinaire force – au sens physique du terme – qui vient de la foule face à vous. C’est à la fois incroyablement stimulant et totalement anormal. On ne parle même pas du moment où ce succès-là s’évapore ou s’éteint. Les drogues et l’alcool, ce n’est pas normal. Etre une star, non plus.

TEXTE PHILIPPE CORNET

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