Festival du cinéma américain de Deauville: bilan en 5 films
La 49e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville a célébré avec force la vitalité du jeune cinéma indépendant US. Coup d’œil dans le rétro en cinq coups de cœur à découvrir prochainement sur les écrans, petits ou grands.
LaRoy de Shane Atkinson.
Grand triomphateur de cette 49e édition du festival de Deauville (Grand Prix, Prix de la Critique, Prix du Public), le premier long métrage de Shane Atkinson rappelle immanquablement le cinéma des frères Coen, l’incontournable Fargo en tête. Un mari cocu, tellement coutumier de l’échec qu’il foire même son suicide, s’y retrouve embarqué dans un rocambolesque imbroglio quand un inconnu le confond avec un implacable tueur qu’il a engagé. S’ensuit une épopée drolatique et sanglante au cœur d’un bled oublié de l’Amérique profonde où les bourdes des uns et des autres finissent par former les pièces d’un improbable puzzle amené à dégénérer salement… Dans ses meilleurs moments, ce petit film de genre teinté d’humour noir flirte avec une truculence d’écriture quasi tarantinesque!
Fremont de Babak Jalali.
L’ombre bienveillante des films du Jim Jarmusch des années 80 plane sur cette errance jazzy aux accents volontiers burlesques qui se drape dans un très séduisant noir et blanc à l’ancienne. Donya, une jeune réfugiée afghane solitaire et insomniaque, y travaille dans une fabrique artisanale de fortune cookies de San Francisco. Quand son patron choisit de lui confier la rédaction de messages prédictifs porte-bonheur, elle décide d’enfin écouter son désir et de provoquer son destin… D’une grande simplicité, cet objet constamment attentif aux mains et aux visages de ses personnages séduit par son irrésistible humour pince-sans-rire et ses élans vibrants d’humanité. Avec, en bonus, la présence de Jeremy Allen White, acteur star de la série The Bear.
Past Lives de Celine Song.
Les films nord-américains sur la diaspora coréenne se multiplient sur les écrans. Après les très beaux Minari de Lee Isaac Chung et Riceboy Sleeps d’Anthony Shim, voici donc le pénétrant Past Lives de Celine Song. Récit patient travaillé par le motif du destin, qui questionne les notions complexes de racines et d’identité, ce dernier s’articule autour de Nora et Hae Sung, amoureux platoniques d’enfance séparés par les circonstances de la vie. Les trajectoires de ces deux âmes sœurs s’éloignent, se rapprochent, se perdent et se retrouvent au gré des aléas de l’existence et d’un temps qui file entre les doigts sans jamais se rattraper dans ce drame délicat qui déjoue tous les pièges de la comédie romantique traditionnelle. Sortie dans les salles belges en décembre.
The Sweet East de Sean Price Williams.
Directeur photo d’Alex Ross Perry (Listen Up Philip avec Jason Schwartzman) et des frères Safdie (Good Time avec Robert Pattinson), Sean Price Williams signe sa première réalisation avec ce film punk, drôle et barré qui accompagne la fugue hallucinée d’une jeune lycéenne faussement ingénue (Talia Ryder, retenez bien ce nom). Passant résolument de l’autre côté du miroir, à la manière d’une véritable Alice contemporaine, cette dernière croise la route de personnages plus illuminés les uns que les autres tout au long de ce décapant road trip initiatique dans les entrailles de l’Amérique débouchant sur une critique sociétale singulièrement féroce. Un grand coup de pied au cul des conventions et de tous les catéchismes qui vibre d’une énergie bouillonnante!
La Vie selon Ann de Joanna Arnow.
The Feeling That the Time for Doing Something Has Passed: le titre original de La Vie selon Ann sied parfaitement à ce petit film minimaliste et radical au ravageur humour du désespoir où une New-Yorkaise désenchantée, adepte de la soumission, tue l’ennui en jeux sexuels BDSM tout sauf glamourisés. À la fois scénariste, réalisatrice, monteuse et interprète de cet autoportrait blême et sans concession, totalement jusqu’au-boutiste dans sa démarche, Joanna Arnow évoque immanquablement à l’écran une certaine Lena Dunham -voir les moments où cette dernière se met littéralement à nu dans la série HBO Girls. Produite par Sean Baker (The Florida Project, Red Rocket), elle n’hésite jamais à étirer ses plans vignettisants jusqu’au malaise le plus déroutant.
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