Champignon magique – Après Mirror’s Edge, Fallout 3 redéfinit les jeux de tir à vue subjective avec une approche jeu de rôle novatrice. Un univers post-nucléaire hallucinant habité d’une vie propre.
Fallout 3
Edité et développé par Bethesda Softworks, âge 18 +, disponible sur PC, PS3 et Xbox 360.
1997, année de l’atome: Fall-out éblouit le petit monde du jeu de rôle PC. Gameplay d’orfèvre, humour noir et univers 50’s post-nucléaire, onze ans plus tard, le troisième volet inespéré de la série passe enfin à la 3D. Une épreuve du feu doublée d’une inquiétude supplémentaire. Bethesda (1) reprend le projet de feu Black Isle (2). Avec en filigrane, l’appréhension d’une simplification à outrance de l’esprit Fallout.
Dix-huit ans que notre protagoniste vivote en vase clos dans le Vault 101, cette cité abri anti-atomique humide et bientôt hors d’usage. A coups de flash-back jouables focalisés sur des événements-clefs d’une vie en confinement, Bethesda glisse habilement l’apprentissage des mécaniques horlogères suisses de son jeu. Il pose aussi le décor d’une microsociété dont les générations successives d’habitants involontaires semblent avoir été croqués par Sartre. Suite à l’évasion inexpliquée de son scientifique de père, le protagoniste doit sortir du cocon de métal rouillé. Faire le grand saut vers le Wasteland pour partir à sa recherche et découvrir l’incroyable vérité. Une quête, mais surtout un formidable prétexte pour découvrir à pied (uniquement) un vaste territoire américain ravagé par un conflit nucléaire.
Dehors, la survie s’organise en clans. On pense évidemment à Mad Max en visitant Megaton, bidonville paranoïaque dressé autour d’une bombe atomique jamais désamorcée. L’ heroic fantasy et le gore ne sont pas loin non plus. A Washington DC, la décharnée colonne du congrès contemple tristement les ruines d’immeubles infestés de mutants Orc hauts de trois étages et de chimères humanoïdes. Muets, écornés et jaunis, les panneaux publicitaires racontent la société d’antan. Entre patriotisme US exacerbé et glorification d’une vie qui carbure au tout nucléaire, ce passé décrépi se rappelle au joueur dans ses interactions les plus banales. A la radio, on écoute du jazz, du r’n’b ou du doo-wop. The Ink Spots chante » I Don’t Want to Set the World on Fire » pendant qu’on défonce à coups de lance-roquettes nucléaires des copies surannées du robot de The Forbidden Zone (le film) et des groupuscules de punks sado-masochistes.
Gore et SF, le grand mix
En chemin et dans la vingtaine de cités visitées, on croise une confrérie de chevaliers new age surarmés, des disciples fêlés d’une religion de l’atome, des humains irradiés écorchés et transformés en goules, des rats géants… Une approche créative débridée du phantasme post-nucléaire, transcendée par une réalisation 3D impeccable.
Comme Mirror’s Edge, Fallout 3 a le chic de redéfinir le jeu de tir à vue subjective avec cette fois un parti-pris jeu de rôle. Unique en son genre, le VATS permet à tout moment de figer l’écran pour viser l’adversaire. Si ce système est nettement plus précis et plus économe en munitions que le mode FPS traditionnel (également jouable), il faudra néanmoins se planquer entre deux tirs. Impossible en effet de rétorquer pendant que les « points d’action » se rechargent. Un héritage du tour par tour bien vu. Personnalisable, ce gameplay illustre la philosophie très ouverte du jeu dans sa globalité. Le joueur n’est pas pris par la main, il doit tirer son plan. On gère son état de santé, des dizaines d’aptitudes (combat, soins, informatique…) et des centaines de pièces d’équipement de façon millimétrique. Des choix infinis mais décisifs qui détermineront la personnalité physique ou intellectuelle du protagoniste. Avec comme conséquence divers embranchements possibles lors d’une mission pour atteindre un même objectif. Commerce, taux d’irradiation de la nourriture, cycles jour/nuit, état de fatigue, charisme dans les dialogues… une foule de paramètres annexes rajoutent au charme métallique de ce jeu rouillé, tordu mais tellement bien huilé.
(1) Studio signataire du génial mais trop facile The Elder Scrolls IV: Oblivion.(2) Talentueuse équipe initiatrice de Fallout et responsable des géniaux Baldur’s Gate ET Icewind Dale.
Michi-Hiro Tamaï
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