C’était il y a un peu plus de 50 ans, en plein hiver. L’artiste sud-coréen Kim Tschang-Yeul (1929-2021), qui s’est alors récemment installé à Paris, déprime ferme dans son atelier. Profondément insatisfait de son travail, il se surprend à jeter un seau d’eau sur ses toiles. Après plusieurs heures, Kim Tschang-Yeul constate que de fines gouttelettes subsistent à la surface des compositions. Les petites perles aquatiques lui évoquent des pleurs, celles-là mêmes qui le ramènent à son passé traumatique, sa jeunesse lors de la guerre de Corée (1950-1953). À la suite de cette révélation de tableaux en larmes, celui qui est un né dans un petit village de Corée du Nord n’aura de cesse de représenter ces impalpables miroirs lustraux -non sans qu’ils évoquent la douleur humide des pietà de Rogier van der Weyden. Une œuvre pour réparer, pour consoler, tel sera son programme.
C’est au départ de ce travail sur-sensible que la commissaire Louma Salamé a imaginé Water, une exposition imparable réunissant un sérieux panel d’artistes, de Bill Viola à Léon Spilliaert, autour de la thématique de l’eau. Familiale sans être niaise, épatante sans être spectaculaire, la proposition attrape le visiteur par le col dès l’entrée où une Valse des Méduses, signée Céline Pagès et Christine Marchal, invite à contempler un gracieux ballet suspendu. De nombreux temps forts scandent ce parcours, richement fourni en œuvres, qui traverse la Villa Empain, d’une lumineuse camera obscura réalisée par Patrick Bailly-Maître-Grand au départ d’une sorte de dame-jeanne… jusqu’à une imposante marine, composée au goudron et au couteau par le Viêtnamien Bao Vuong.
Exposition collective, à la Fondation Boghossian, Bruxelles. Jusqu’au 10/03. ****
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