«Un objet difficile à identifier»: l’art de l’esquisse au centre d’une expo des Musées royaux

Fernand Khnopff, Carnet de croquis (1879) © J. Geleyns – Art Photography
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

En consacrant un accrochage à l’esquisse –Drafts, From Rubens to Khnopff– les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique réussissent à se réinventer plus intimes, plus vivants et plus contemporains.

Pourquoi? Parce que la proposition résulte d’une opportune écologie en termes de monstration. À l’heure où les musées sont priés de procéder à « un examen minutieux de leur mission« , selon les mots du journaliste Christophe Averty (Le Monde), il est difficile de faire comme si de rien n’était et passer sous silence l’impact environnemental d’une exposition. En ce sens, Drafts s’affiche exemplaire en résultant d’une saine archéologie. Nourrie par les collections propres du musée, entre autres le vaste corpus Rubens, l’évènement procède d’une campagne de restauration de vaste ampleur menée pendant près de deux ans par les équipes en place.

En sondant la thématique de l’esquisse à travers le temps, très exactement du XVe au XXe siècle, les commissaires Dominique Marechal et Véronique Bücken prouvent qu’il est possible de transformer les contraintes en liberté, à condition de faire preuve de créativité. Une autre raison pour laquelle la proposition séduit est qu’elle invite à se questionner sur le statut de l’esquisse, cet étrange brouillon.

Avec humilité, Véronique Bücken analyse: « L’esquisse est un objet difficile à identifier. Chaque fois que l’on pense avoir une définition, on trouve une œuvre pour la contredire. Serait-elle un travail inachevé? Pas si l’on prend en compte les travaux préparatoires pour une gravure qui sont tout ce qu’il y a de plus abouti. Une pièce préparatoire alors? Cela ne tient pas si l’on considère, par exemple, les dessins réalisés par Fernand Khnopff pour le Palais Stoclet. Pour être honnête, il n’est pas toujours sûr qu’une ébauche soit garantie de la main de l’artiste » Moralité? Le « draft » est une œuvre en mouvement, incroyablement variée, invitant à la considérer avec précaution. Une certitude se dégage peut-être, c’est qu’elle permet de se glisser au cœur de la création, afin de mieux cerner comment naît une œuvre d’art. « Le geste créateur se laisse mieux approcher que dans une œuvre achevée pour laquelle l’artiste se sait scruté, il y a davantage de liberté et d’intimité dans les esquisses« , reconnaît la curatrice et conservatrice « Peinture XVe et XVIe siècle ».

Hans Hartung, Composition T.51-10 (1951) © Guy Cussac, Brussel, Hans Hartung Sabam Belgium

Une centaine d’oeuvres

Au total, c’est un parcours d’une centaine d’œuvres qui est déroulé. On chemine d’une esquisse sur toile de Jacob Jordaens à une maquette d’Alexander Calder, d’une composition de Hans Hartung à une huile sur toile de Delacroix. Les dessins préparatoires de Rik Wouters côtoient les croquis de Fernand Khnopff, des hauts-reliefs et des statuettes façonnées par Constantin Meunier et des dessins saisis sur le vif de Gustave Courbet ou Ferdinand De Braekeleer… Le tout pour une scénographie dont l’une des forces est de lever le voile sur des œuvres peu ou jamais exposées et de démontrer que le dessin sous-jacent, approché à travers la réflectographie infrarouge, relève également de ce registre fécond.

Drafts, From Rubens to Khnopff, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, jusqu’au 16/02.

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