Les deux seuls Manet visibles en Belgique dévoilent leurs secrets à Tournai
Alors que l’on célèbre les 150 ans de l’impressionnisme, le Musée des Beaux-Arts de Tournai met à l’honneur les deux seuls tableaux de Manet visibles en Belgique.
Argenteuil et Chez le Père Lathuille sont les seuls Manet conservés en Belgique (en collection publique). En 1904, au faîte de l’avant-garde, le collectionneur Henri Van Cutsem lègue sa collection au Musée des Beaux-Arts de Tournai pour la rendre accessible au plus grand nombre. À l’heure où on célèbre les 150 ans de l’impressionnisme, dont le peintre est encore perçu comme un chef de file, rappelons combien Édouard Manet refusa toujours d’être catalogué. Du reste, habitué au scandale (Le Déjeuner sur l’herbe, Olympia…), le dandy se distingue par son côté sulfureux, incarnant plus que tout autre un art anti-bourgeois. Son but: attaquer les académiciens sur leur terrain, révolutionner la grande peinture, la manière de regarder une œuvre.
Sujets d’opprobre et de railleries, les deux tableaux furent l’objet d’un bad buzz, défiant leur époque et le temps. Finie la lumière blafarde de l’atelier, vive le plein air! Capturant les lieux de divertissement à la mode, Manet se détache des sujets mythologiques ou religieux, réinterpréte la scène galante à la française pour y ajouter une ironie certaine. Le peintre saisit en des instants suspendus la révolution qui s’incarne au sein des mœurs, notamment dans la relation à une femme. Julien Foucart, conservateur au Musée des Beaux-Arts : « Argenteuil, c’est le rapt amoureux, tel que Watteau le peignait dans Le Pèlerinage à l’île de Cythère, remis au goût du jour. Avec la Seine dressée comme un mur, c’est aussi le début de l’abstraction, le plaisir de la matière picturale, très présente. Manet sait que les tableaux vont être regardés. C’est encore plus visible dans Chez le Père Lathuille, où le troisième personnage nous regarde, autre nouveauté chez ce « maître des bizarreries faîtes exprès ».«
Comment rendre accessible le propos des œuvres, leur contexte, leur force de subversion? C’est le cœur du travail de médiation opéré par les musées. « Si on ne passe pas du temps à regarder, on ne comprend pas les œuvres, ou on vient vérifier ce qu’on connaît déjà, constate Foucart. Le but, c’est de rentrer dans la peinture, devenir acteur. Mettre une image à côté d’une autre, c’est déjà mettre en perspective. Ensuite, on multiplie les documents d’aide à la visite, comme notre série Petits Albums (disponible au Musée des Beaux-Arts, NDLR) où, au travers d’un livret et d’un « goodie », le spectateur peut s’approprier l’œuvre, l’emporter avec lui. Il y a une image différente dans chaque œil. Le propre des chefs-d’œuvre c’est que ce sont des œuvres ouvertes. »
Lire aussi | L’art abstrait n’est pas mort! La preuve, à Liège
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici