Alexandra Mein, au Bota: « Ce qui m’intéresse, c’est la tension invisible qui se joue en chacun de nous »
Alexandra Mein (1979) a fait ses armes dans le milieu de la mode et a par la suite collaboré entre autres avec le chorégraphe Damien Jalet. Par-delà les drapés, elle est rattrapée il y a dix ans par la question du corps et des forces complexes qui le traversent. Mein choisit alors d’aborder ces thématiques par le biais de la sculpture. “Ce qui m’intéresse, explique-t-elle, c’est la tension invisible qui se joue en chacun de nous, ce combat incessant entre l’émotion et la raison duquel résulte un mouvement.” Cette torsion douloureuse constitue le cœur de ses pièces: deux corps s’entremêlent sans que l’on connaisse la nature de l’étreinte. Acéphales pour la plupart -une manière d’éviter toute cérébralisation ou identification-, les sculptures s’axent autour du tronc, partie anatomique monolithique qui emmène l’œil du côté des règnes végétaux et minéraux.
Ce qui intéresse dans la pratique de cette plasticienne bruxelloise, c’est son modus operandi. Pas de croquis préliminaire. Mein se confronte à la matière sur fond de corps-à-corps dionysiaque -on pense immanquablement à Francis Bacon. La matière? Il est question de treillis de poule par-dessus lequel l’intéressée déroule de l’étamine imprégnée d’Hydrostone, un matériau blanc résistant à mi-chemin entre le plâtre et le ciment, mêlé à des pigments. Le tout sur fond de prise ultrarapide, ce qui oblige à des décisions formelles immédiates. En ce sens, La Débâcle III (2016), qui est exposée dans les serres du Botanique, pousse le curseur du chaos primordial un cran plus loin. Une patte de cheval s’extrait d’un magma originel renvoyant au roman éponyme de Zola qui décrit la déroute des soldats français à Sedan en 1870. Difficile de ne pas y voir la métaphore de notre époque aspirée par le vide. Comme un bouquet de fleurs offert au néant.
Au Botanique, Bruxelles. Jusqu’au 19/11. ***1/2
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