Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Les dessinateurs tombent de plus en plus souvent dans le récit autobiographique. Dans la multitude des ego BD, on peine parfois à dénicher des perles.

Au crayon de la dernière aventure de Spirou et Fantasio avec le scénariste Yann, Fabrice Tarrin est également l’auteur d’un blog(1) sur lequel il se raconte sous les traits d’un lémurien. Agréable à consulter au bureau, en guise de pause-café par exemple, l’adresse distille quotidiennement des anecdotes directement tirées de la vie du dessinateur. On apprend ainsi que l’heureux homme est sorti avec Lolita, la fille de Renaud. Le chanteur fait d’ailleurs quelques apparitions dans les dessins sous les traits d’un renard usé et désabusé. Tarrin raconte également ses déboires avec Cyril, son pote schizophrène dont le comportement perturbe souvent son petit monde. Un petit monde que l’éditeur Delcourt a mis en album sous le titre Le journal intime d’un lémurien. Et là, allez savoir pourquoi, couchées sur le papier d’une BD, les tranches de vie de Tarrin perdent sérieusement de leur intérêt. On s’aperçoit que ses histoires nous sont étrangères et qu’elles ne sont, finalement, intéressantes que pour l’entourage direct de l’auteur.

du nombrilisme et des perles

Ce sentiment, on le retrouve avec le deuxième album de Gloria, publié chez Jean-Claude Gawsewitch Editeur. Dans Gloria en vacances, Marianne Maury Kaufmann(2) fait vivre à son héroïne les déboires et les petites aventures qu’elle a probablement connus lors de congés ensoleillés. Entre Les bronzés et Le Journal de Bridget Jones, on passe son temps à naviguer autour du nombril de Marianne Maury. Le tout tartiné de crème solaire et saupoudré de sable fin. A la longue, comme les matelas pneumatiques, ça gonfle.

A l’inverse, certains récits autobiographiques vous font voir du pays. Ainsi, lorsqu’il signe ses Chroniques Birmanes (chez Delcourt), Guy Delisle n’oublie pas de nous parler d’autre chose que de sa petite personne. Et s’il nous explique en dessins ses 14 mois passés en Birmanie avec sa compagne envoyée là-bas par Médecins sans Frontières, il évoque surtout son expérience du pays. Comment il a fini par apprivoiser son environnement, et petit à petit, comment il a découvert la réalité politique et sociale de ce pays dominé par une junte militaire. Plus intime encore, Alison Bechdel, auteur culte des communautés gay et lesbienne, décortique sa jeunesse dans le superbe Fun Home, Une tragicomédie familiale. Dans un dessin clair, presque enfantin, la jeune artiste évoque sa famille régentée par un père qui n’avouera jamais clairement son homosexualité à ses enfants. Il faudra attendre sa mort brutale pour que les non-dits cessent, finalement, d’être l’unique ciment de la famille. Humaine, jamais moralisante, cette brillante autobiographie dessinée est avant tout une formidable lettre d’amour posthume d’une fille à son père.

Comme en littérature, l’ego trip des auteurs de BD peut devenir universel. Pour autant, bien entendu, qu’ils oublient de se regarder le nombril en pensant qu’il intéresse tout le monde.

(1) http://www.fabricetarrin.com/blog

(2) http://mariannemaurykaufmann.com

VINCENT GENOT

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