Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Mode majeur – On peut toujours discuter l’impact de Depeche Mode sur la pop actuelle, électro ou non. Par contre, la pertinence de leur 12e album ne fait elle aucun doute…

« Sounds Of The Universe »

Distribué par EMI. En concert le 20/06, à TW Classic, Werchter.

Près de trente ans après sa formation, Depeche Mode est toujours là, qui plus est en haut de l’affiche. Qui l’aurait cru? Après tout, voilà un groupe qui s’est fait connaître avec un morceau comme Just Can’t Get Enough. Un tube de pop synthétique certes très « wizzz » et frétillant, mais dont on pouvait difficilement imaginer qu’il allait passer le cap des années 80 (pour cartonner à nouveau aujourd’hui dans les hit-parades britanniques, sous la forme d’un saccage en règle par le girls band The Saturdays). Petit à petit, Depeche Mode muera pour se transformer en une formation de techno-pop aux contours plus sombres, voire gothiques. Cela sauvera probablement le groupe. Mais pas toujours ses membres. C’est l’autre mystère Depeche Mode, qui n’aurait pas dû survivre à tant de tournées chaotiques et de backstage décadents. Quand, en 95, Alan Wilder prendra la tangente, le chanteur Dave Gahan se bat toujours avec les drogues, frôlant même la mort. De son côté, Martin Gore, alors seul auteur de la bande, enfile lui les bitures.

En 2009, cela reste d’ailleurs une des principales nouvelles concernant les Anglais: Depeche Mode roule à l’eau claire! C’était déjà le cas de Gahan depuis un petit temps. Voilà maintenant Martin Gore qui affirme ne plus toucher à l’alcool. Est-ce pour cela que le trio (formé avec l’énigmatique – ou le transparent, c’est selon – Andy Fletcher) assure avoir vécu l’un des enregistrements les plus sereins, voire les plus « amusants » depuis longtemps?

Le chas de l’aiguille

Peu importe, car au final, la musique de Depeche Mode reste encore et toujours habitée par des éclats de noirceur profonds. Sounds Of The Universe débute ainsi par une intro bruitiste, des ondes qui se croisent avant de laisser la place à une ligne d’orgue déprimée, bientôt électrocutée par un riff de guitare. C’est In Chains et dès le départ, Depeche Mode capte l’attention. Plus vicieux, Hole To Feed enchaîne avant le single, l’un des plus réussis de ces dernières années, le frontal Wrong. Fragile Tension revient ensuite à des intentions plus bienveillantes, et semble expliciter la manière de fonctionner du groupe: « There’s a fragile tension that’s keeping us going. » Ce n’est pas un scoop, mais Gahan, interprète souvent captivant, le chante avec une humilité touchante. Par trois fois, il signe aussi directement un morceau, comme Come Back, un des sommets, ballade claustrophobe noyée sous des coulées de guitares magmatiques.

Bien sûr, Depeche Mode raconte toujours les mêmes histoires: des récits de rédemption et de culpabilité, de sexualité tourmentée, de plans vaguement SM (au hasard, le dispensable Jezebel, Corrupt…). Mais l’essentiel n’est pas là, mais bien dans l’architecture sonore mise en place. Sur la majorité des titres, elle épate par sa précision et son épaisseur. L’entité Depeche Mode remplit ainsi une nouvelle fois son contrat. Bien au-delà même de qu’on était en droit d’attendre du douzième album (!) d’un groupe passé autant de fois par le chas de l’aiguille.

Laurent Hoebrechts

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