Deep Blues

© CHERIE NUTTING

C’était il y a près de 40 ans. Entre deux articles pour le New York Times, dont il fut le premier critique rock à temps plein, Robert Palmer mettait la dernière main à ce qui allait devenir la plus grande somme sur l’Histoire du blues. Là où la plupart de ses collègues se contentaient de chroniquer les disques et de transmettre la légende plus ou moins dorée de la vie des musiciens, Palmer s’était en effet distingué par le souci de l’inscription du blues dans une Histoire plus vaste. Suivant la piste ouverte par Alan Lomax et John Work, pistant eux-mêmes ce qui pouvait rester de traces de la vie de Robert Johnson, l’Abraham du blues, il avait voulu que son récit soit avant tout celui de la condition noire dans le sud des États-Unis. Ce qu’il voulait raconter, c’était en quoi le blues était avant tout une musique de la vie -une vie où seule l’âme pouvait, pour un Noir, constituer un espace de liberté. De fait, à travers les portraits et les anecdotes, où les figures de Muddy Waters, de Charley Patton, de Johnson lui-même et de tant d’autres, croisent la culture du coton le long du Mississippi, la généalogie des griots africains, l’explosion musicale de Chicago dans les années 1920, la première émission de blues sur une chaîne de radio nationale ( King Biscuit Time), et jusqu’à l’avènement du boogie, c’est une tranche vibrante et saignante d’Amérique qu’il donne à goûter, servie par une langue où l’érudition fourmillante ne le cède jamais à un lyrisme qui sent la route, la sueur et le whisky. Aujourd’hui, Olivier Borre et Dario Rudy en donnent la version française qu’on attendait depuis longtemps. Malgré son âge, l’ouvrage n’a pas pris une ride. En 1982, le livre de Palmer s’achevait sur l’évocation d’une série de fantômes emblématiques de ce que, citant un auteur français, il définissait comme  » une fusion de musique et de poésie obtenue à très haute température émotionnelle« . C’était ça, le blues, disait-il. Ça l’est toujours.

Deep Blues

De Robert Palmer, éditions Allia, traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Borre et Dario Rudy, 448 pages.

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