Nobody Knows

L’authentique chef-d’oeuvre de Hirokazu Kore-Eda est un film à la fois complexe et limpide, tendre et infiniment juste. A redécouvrir.

Premier film d’un superbe diptyque japonais abordant l’univers de l’enfance et présenté ce soir par Arte, Nobody Knows est un pur chef-d’oeuvre! Hirokazu Kore-Eda, sans nul doute un des tout meilleurs cinéastes de son temps, s’y inspire d’un fait divers réel pour évoquer la survie d’un petit groupe d’enfants abandonnés à eux-mêmes par leur mère au beau milieu d’une grande ville japonaise. C’est en 1988 qu’éclata ce que la presse appela « l’affaire des 4 abandonnés de Nishi-Sugamo ». Le cinéaste en fut très impressionné, et se posa de nombreuses questions, dont celle de savoir ce qu’il y avait pu avoir de paradoxalement positif dans les moments de « complicité, de joie, de tristesse et d’espoir » partagés par les enfants. « Plutôt que de montrer leur enfer vu de l’extérieur, j’ai voulu montrer la ‘richesse’ de leur vie, vue de l’intérieur », déclare Kore-Eda en commentant son film complexe et limpide à la fois, bouleversant d’une émotion nécessairement ambiguë. Les enfants ne sont en effet pas seulement victimes, mais s’imposent -par la force des choses- comme acteurs de leur propre (sur)vie, affichant une belle solidarité dans les difficultés qui se multiplient pour eux. Invisibles pour la société, ces mômes inoubliables de justesse nous posent plus d’une question pertinente sur l’état de notre monde pressé… Yagira Yuya, qui interprète l’aîné, a été couronné d’un prix d’interprétation au Festival de Cannes. Il ne put d’ailleurs venir chercher son prix, n’ayant pas été aussi convaincant à ses examens scolaires que devant la caméra d’un Kore-Eda en état de grâce… Il faut voir ce film sublime qu’est Nobody Knows, une oeuvre qui va droit au coeur et à l’esprit. Et qui accompagne à jamais ceux qui l’ont vue et aimée.

Louis Danvers