Films en séries télé: la grande adaptation
De plus en plus de séries puisent leur inspiration dans des longs métrages. Une tendance qui reflète la porosité grandissante des frontières entre cinéma et télévision.
Début octobre, David Lynch et Mark Frost lançaient le pétard sur Twitter, plongeant les fans de la première heure dans un petit bain d’euphorie: la mythique Twin Peaks serait bel et bien de retour. Une info confirmée par la chaîne payante Showtime, qui annonçait qu’une troisième saison de neuf épisodes serait diffusée en 2016 sur son antenne. Un retour… à la télé pour Twin Peaks qui, en 1992, un an à peine après sa deuxième saison, s’offrait une escapade sur grand écran. Le film Twin Peaks: Fire Walk With Me relatait en effet les jours précédant la mort de Laura Palmer, célèbre point de départ de la série. Dans ce « prequel » cinématographique, David Lynch, délesté de son complice Mark Frost, laissait libre cours à sa singulière imagination. En enfonçant, comme toujours de travers, le clou de deux décennies où les adaptations de séries cultes, foisonnantes, allaient allier le bon (La Famille Addams, Les Incorruptibles, Mission Impossible, Miami Vice, Les Simpsons… ) et le très pénible (Wild Wild West, Chapeau melon et bottes de cuir, Absolument fabuleux, Charlie’s Angels ou L’Agence tous risques… ). Depuis 25 ans, le cinéma tente donc plus ou moins paresseusement de capitaliser sur l’attachement du public pour des personnages qu’il a suivis et aimés durant plusieurs années. Pas toujours un gage de succès. A contrario, il est de plus en plus fréquent de voir les bonnes histoires emprunter le chemin inverse. L’exemple récent de Fargo, à ce titre, vient de prouver qu’un film culte pouvait donner naissance à une série qui le deviendra très certainement.
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En 1996, les frères Coen sortaient encore un chef-d’oeuvre de leur boîte à idées. Une intrigue enneigée d’enlèvement foireux perpétré par deux pieds nickelés tout aussi foireux. Grosse claque. Un peu moins de 20 ans plus tard, la MGM, qui détient les droits du film, sollicite bizarrement la chaîne FX dans l’idée d’en faire une série. Perplexité générale. Mais le scénariste Noah Hawley accepte le challenge. Et nous sort, début 2014, dix tueries d’épisodes imprégnés par le Fargo des Coen, mais dotés, ce coup-ci, d’un irrésistible personnage de tueur à gages atypique.
Si le cinéma s’est allègrement servi dans les personnages popularisés par la télé, l’inverse serait donc tout aussi profitable. « C’est plus facile de lancer quelque chose basé sur des fondations établies que de lancer un show original », justifiait récemment Noah Hawley au magazine Forbes, tout en rappelant qu’aujourd’hui, période bénie pour les auteurs, « c’est la longueur de l’histoire qui détermine la longueur de la série, et pas l’inverse ». Une théorie confirmée par Mark Frost et les neuf (format inédit) épisodes de la nouvelle saison de Twin Peaks. Liberté de ton, d’action, de longueur, sans oublier l’apport de la technologie moderne, qui gomme les inégalités entre l’esthétique du cinéma et celle de la télé: les auteurs se rendent bien compte que le petit écran (ou Internet, dans le cas de Netflix et d’Amazon) leur offre une marge de manoeuvre inespérée, sans le déshonneur qu’une telle démarche pouvait impliquer par le passé. De fait, si l’on excepte M.A.S.H., le film d’Altman palmé en 1970 et prolongé dans la foulée par une série ultra populaire (106 millions de téléspectateurs pour le dernier épisode!), on peut difficilement sauver quoi que ce soit dans des productions du genre Fame, La Femme Nikita, Les Aventures du jeune Indiana Jones, Stargate SG-1, Highlander ou RoboCop, soit autant de fictions rappelant à quel point, dans les années 80 et 90, la télé était à la remorque du cinéma.
Etoffer ou déconstruire un univers
Au tournant du siècle, avec la « street credibility » acquise par Oz ou Les Sopranos sur HBO, la donne allait doucement changer. Certaines séries, pas forcément mirifiques, mais au moins intéressantes, allaient supplanter le film duquel elles étaient tirées. Ou au moins l’égaler. Ou en tout cas ne pas lui foutre la honte. On pense à Buffy contre les vampires, Crash ou Friday Night Lights, tous trois adaptés des longs métrages éponymes. Même combat, côté francophone, pour Vénus et Appolon, tiré par Tonie Marshall de son joli Vénus Beauté (Institut).
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Mais c’est depuis le début de la décennie 2010 que la cadence s’accélère. Selon des équations différentes à chaque fois, mais avec une constante: la série permet de prolonger le plaisir et d’en dire plus sur le film, qu’il soit tiré d’un roman ou d’un scénario original. La très sérieuse Hannibal, par exemple, s’appuie sur les personnages de Thomas Harris pour en étoffer encore cet univers multi-adapté sur grand écran. Bates Motel, souvent acclamée, se lit comme un « prequel » au Psychose de Hitchcock. Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. poursuit, de manière un peu cheap, les aventures cinématographiques des Avengers. En adaptant sa propre Nuit en enfer, avec From Dusk Till Dawn, géniale série B co-écrite et jouée en son temps par Tarantino, Robert Rodriguez se donne du jeu pour ses excentricités. Sleepy Hollow, dans son format hybride, casse par contre une patte à Tim Burton. Gotham lui casse l’autre. Très attendue, la série de Bruno Heller ne manque pas d’efficacité, mais perd toute l’originalité de Burton et la maîtrise de Christopher Nolan. Une sorte de retour au Batman de Joël Schumacher, disons.
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La liste est longue des nouvelles séries qui, bientôt, devraient tirer leur substance d’un long métrage préexistant. On parle de Ghost, de Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (Spike Lee), de Scream ou de L’Armée des 12 singes. Si ces projets ne devraient pas tous voir le jour, ils prouvent que, plus que jamais, télé et cinéma jouent avec la même balle, mais sur des terrains différents.
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