Fargo, true réussite

Kirsten Dunst et Jesse Plemons dans Fargo. © Chris Large/FX
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Adaptée librement des frères Coen, la série de Noah Hawley revient en force pour une deuxième saison aussi maîtrisée que la première. Plaisir.

Grosse pression. A un double niveau. Comme toutes les séries dont la première saison a fait un carton, Fargo revenait dans le poste avec une bien lourde casquette, ce lundi 12 octobre: celle de « série de l’année 2014 ou presque ». Une casquette dont le poids a par exemple récemment courbé la créativité de Nic Pizzolatto, aux commandes de l’autre gros morceau de l’an dernier, True Detective. Sa deuxième saison, décriée, persiflée, moquée de partout, aura prouvé cet été qu’on n’est pas génial sur commande. Qu’écrire deux chefs-d’oeuvre consécutivement tient de la gageure, voire du miracle. D’où l’inquiétude légitime qui planait autour de Fargo. D’autant qu’à l’instar de sa consoeur, la série prenait le pari, pour ce retour, de tout chambouler: histoire, personnages, casting. Risqué. Sauf que là où la saison 2 de True Detective s’autocaricaturait à coups de prises de tête lénifiantes et de scénario ultratarabiscoté, Fargo revient avec cohérence. Pour une intrigue qui, au vu de ses premiers épisodes, s’annonce aussi jubilatoire que parfaitement maîtrisée. Probablement parce que son créateur a pris le temps -près d’un an et demi- de revenir meilleur encore…

Coup d’oeil dans le rétro. Commandée au scénariste Noah Hawley par la chaîne FX (à qui l’on doit quelques belles écuries (The Shield, Sons of Anarchy ou même Louie), la déclinaison libre du Fargo des Coen débarquait en mars 2014 dans la perplexité générale. On avait de sérieux doutes quant à la capacité de ce quasi-inconnu de Hawley à jouer la plus-value sur un film unanimement considéré comme l’une des pièces maîtresses de la fratrie. Surprise, belle surprise: si les clins d’oeil stylistiques et scénaristiques (« This is a true story » à l’entame de chaque épisode, neige omniprésente, nigaud pris dans un engrenage qui le dépasse, femme flic enceinte…) ne manquaient pas, Fargo la série se dessinait rapidement une personnalité propre, offrant dix épisodes virtuoses d’où émergeait l’un des personnages les plus sidérants de la décennie, Lorne Malvo, tueur à gages aussi brutal que malicieux. Lequel permettait à Billy Bob Thornton de rappeler à la profession l’étendue de sa créativité d’acteur. Couronnée par l’Emmy Award de la Meilleure mini série, la première saison s’achevait -attention spoiler sévère, on répète, attention- sur la disparition des deux protagonistes. En bonne série d’anthologie, Fargo allait donc revenir en changeant la plupart des pièces de sa mécanique.

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Et ça marche. Parce que cette deuxième saison, dont les quatre premiers épisodes ont déjà été diffusés (la plateforme Netflix les offre à ses abonnés deux jours après leur lancement sur FX), garde exactement la même philosophie. Avec cette spécificité qui marque, outre les paysages à manteaux blancs de l’Amérique glacée, une évidente filiation entre l’écriture des Coen et celle de Hawley: la capacité à passer du drame le plus sanglant à la comédie noire la plus jouissive en un clin d’oeil, sans que l’intensité ou l’intérêt de l’intrigue n’en pâtissent. Tour de force. A part le Vince Gilligan de Breaking Bad, rares sont les auteurs capables d’insuffler une véritable densité narrative, une tension évidente et une profondeur à leurs personnages, tout en trempant leurs histoires dans une bassine de second degré.

Science des personnages

Même s’il est moins ouvertement drôle que le Fargo des Coen, celui de Hawley se ménage quelques sérieuses plages de recul, entre absurde et rocambolesque, le sourire en coin. On l’avait un peu anticipé dans la première saison: la tuerie de Sioux Falls, régulièrement mentionnée par Lou Solverson, flic à la retraite dont la fille Molly (épatante Allison Tolman, réminiscence de Frances McDormand) cherchait à coincer Lorne Malvo, allait jouer un rôle dans ce retour aux affaires. De fait, Hawley place son intrigue en 1979, entre le Minnesota et le Dakota du Sud. Une nouvelle fois, l’histoire implique une brochette de protagonistes mêlés à un crime, en l’occurrence un triple meurtre perpétré dans un boui-boui isolé de bord de route. Il y a d’abord une famille de gangsters d’origine allemande, les Gerhardt, en pleine guerre de succession à Fargo depuis l’attaque cérébrale subie par leur patriarche. Puis il y a la mafia de Kansas City, qui se verrait bien mettre la main sur le business de ladite famille. Ensuite il y a Peggy (Kirsten Dunst, enlaidie mais parfaite), qui a renversé par hasard l’auteur de la tuerie, avant de refiler la patate chaude à son brave mari, boucher de profession. Enfin, il y a Lou Solverson en plus jeune (Patrick Wilson, impeccable), flic revenu du Viêtnam et véritable trait d’union entre la saison 1 et la saison 2. Une saison 2 qui confirme la verve de Noah Hawley et sa science des personnages forts, en ce compris les « méchants » toujours savoureux. Si la folie absolue d’un Lorne Malvo manque peut-être un peu dans cette nouvelle volée d’épisodes, elle est compensée par une intrigue menée tambour battant, un scénario dont les ramifications semblent parfaitement contrôlées et un sous-texte politique exaltant. Plaisir.

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