Cinq temps forts de Are You Series?, la grand-messe belge du feuilleton télé

Pour sa troisième édition, le festival Are You Series? déroule sa réflexion sur l’univers des séries. En s’appuyant sur une programmation costaude.

Un an et demi. C’est le temps qu’auront pris les équipes de Bozar pour concocter ce nouveau festival Are You Series?, mélange de séminaires, débats, tables rondes, dédiés aux professionnels et aux amateurs de fiction télé. Mais Are You Series?, c’est aussi, et surtout, l’occasion de découvrir ou de redécouvrir (entrée gratuite, mais réservation obligatoire) une sélection pointue de séries sur grand écran. Grosses machines américaines, productions européennes, séries confirmées, avant-premières, le programme est aussi dense que diversifié. Temps forts.

On est assez curieux de voir ce que va donner cette série en six épisodes commanditée par Arte et réalisée par notre compatriote Vincent Lannoo (à qui l’on doit notamment Strass ou Les âmes de papier, et qui sera présent). Début 2015, nous avions pu nous rendre sur le tournage de cette histoire d’anticipation, qui voit le monde se diviser entre une minorité de privilégiés disposant d’un travail et une écrasante majorité de sans-emplois, parqués dans un espace qu’on appelle La Zone. Vincent Lannoo aura-t-il réussi à rendre crédible cette atmosphère apocalyptique avec un budget à la française? On le découvrira dans une soirée qui, en parallèle, proposera l’intéressante Deutschland 83, série d’espionnage allemande située en pleine surchauffe de la guerre froide.

Si la journée du samedi fait la part belle à la politique, elle ouvrira également ses écrans à la question de la diversité sexuelle à l’écran. Notamment via Transparent: primée tant aux Golden Globes qu’aux Emmy Awards, cette série produite par le géant du Web Amazon aborde la question du genre via l’histoire de Morton Pfefferman (subtil Jeffrey Tambor), sexagénaire qui va annoncer à ses trois enfants qu’il va changer de sexe. Si l’enthousiasme général qui plane autour de cette série nous semble un chouïa surfait, reconnaissons à Transparent un vrai point de vue. Ce que l’on devrait retrouver également dans deux séries soeurs, les Britanniques Cucumber et Banana, qui évoquent avec beaucoup d’humour les questions liées à la communauté LGBT.

Si la journée du dimanche ne manque pas de sel, avec la diffusion, notamment, de la série historico-médicale de Steven Soderbergh, The Knick, ou de Altes Geld, série autrichienne qui avait fait pas mal de bruit lors de sa diffusion, c’est ce petit bijou d’Olive Kitteridge qu’on vous conseille absolument. Diffusée en intégralité ce dimanche matin, cette minisérie en quatre épisodes nous conte la vie d’une enseignante revêche et terne (fantastique Frances McDormand, primée aux Golden Globes), et autour de qui la mort plane de bien des manières. Ou quatre heures de maîtrise scénaristique totale, superbement jouées par des acteurs en état de grâce (le toujours parfait Richard Jenkins et un Bill Murray lui aussi récompensé aux Globes). Précisons aussi que le thriller d’anticipation politique Occupied viendra clore la soirée et le festival.

Costaud, le programme du samedi: axé sur la thématique transversale de la politique, il nous permettra de (re)découvrir quelques grosses écuries. On pense à l’excellente Boss qui, en deux petites saisons, avait dressé un portrait âpre et sans concession de la politique chicagolaise, à travers la maladie du maire de la ville, personnage aussi complexe qu’impitoyable. La série anglaise Utopia fera également partie des temps forts de cette journée: portée par des couleurs criardes et un univers ultra-pop, cette histoire de complot international englobant quelques jeunes fans de BD un peu dépassés vaut assurément le déplacement. Pareil pour Show Me a Hero, dont les six épisodes seront diffusés en intégralité le soir. Cette série HBO (critique complète) co-écrite par l’immense David Simon (The Wire, Treme) nous emmène à Yonkers, où politiques et citoyens bataillent pour éviter d’intégrer de nouveaux logements sociaux dans la ville. A noter que ce focus politique nous permettra, avec la diffusion de Fauda et False Flag, de confirmer que le thriller d’action israélien a la cote en ce moment.

Le retour en France de Guillaume Debailly (Mathieu Kassovitz, impeccable), après quelques années d’infiltration en Syrie, soit une plongée dans le quotidien pour le moins austère du Bureau des légendes, service de la DGSE où l’on maquille la vie des agents dispatchés clandestinement dans le monde. Aussi sobre dans le traitement qu’ambitieuse dans ses fils narratifs, la série créée par ce passionné d’espionnage qu’est Eric Rochant (Les Patriotes, Moëbius…) marque probablement un cap dans la fiction télévisée hexagonale. Pensée comme un rendez-vous régulier -la deuxième saison était déjà en cours d’écriture durant la diffusion des premiers épisodes, cette série dense et bien construite s’appuie sur dix épisodes aux scénarios en phase avec l’actualité chaude et parfaitement dosés. Les deux premiers seront diffusés à Bozar ce vendredi en présence d’Alex Berger, l’un des producteurs de la série.